Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

mardi 1 octobre 2013

Lire en moi comme dans un livre ouvert


"La poésie est un territoire où toute affirmation devient vérité. Le poète a dit hier : la vie est vaine comme un pleur, il dit aujourd'hui : la vie est gaie comme le rire et à chaque fois il a raison. Il dit aujourd'hui : tout s'achève et sombre dans le silence, il dira demain : rien ne s'achève et tout résonne éternellement et les deux sont vrais. Le poète n'a besoin de rien prouver ; la seule preuve réside dans l'intensité de son émotion."
Kundera, La vie est ailleurs

Je vivais des moments, qui pouvaient être bons, même jolis. Mais ils ne s'ancraient pas en moi. Ne s'imprimaient pas, des instantanés sans impact. Comme s'ils restaient en suspens, s'évertuant à rester suffisamment légers pour ne pas laisser de traces de leur passage. Pour n'être plus le lendemain qu'un lointain paysage rêvé, comme le vague souvenir d'un vieux voyage, presque indiscernable car flottant dans les brumes, aux confins de la mémoire servile et de l'oubli volontaire.

Comment alors construire une histoire à deux, si les éléments qui auraient dû s'empiler et la fonder jour après jour disparaissaient chaque matin. Ton amour comme un chantier permanent pour des ouvriers sans cesse condamnés à reprendre le travail de la veille, tels des Sisyphe du sentiment ou des Pénélope de l'engagement amoureux.

Mais le besoin impérieux de fuir me soulevait, irrépressible, incoercible. Qu'est-ce qui motive la fuite ?...

Prisonnier de ma liberté, je fus. Les regrets seront-ils mes futurs geôliers ?

Car au lit ne m'attendent que des draps dépourvus de ton parfum. Et dans l'air les notes de musique ne servent qu'à remplacer ton rire.

Vice de la solitude et vertu de l'indépendance. Contre moi-même, faut-il que je sévisse et que je m'évertue ?

"[...]il essayait de se concentrer en vain sur les paroles de son père, mais les mains d'Izaskun se posaient sur ses oreilles pour l'empêcher d'entendre, et les mains d'Agnès effleuraient ses paupières, comme on clôt les yeux d'un mort, pour l'empêcher de voir, et malgré tous ses efforts, il ne pouvait ni voir ni entendre son père [...] expliquer comme il pouvait à ses enfants qu'il allait peut-être mourir bientôt car son discours n'avait pas sa place dans le meilleur des mondes possibles, le monde du triomphe et de l'insouciance, et il ne pouvait y acquérir le moindre sens intelligible, ce n'était qu'une rumeur désagréable, les remous inquiétants d'un fleuve souterrain dont la puissance lointaine ne pouvait menacer l'ordre de ce monde parfait [...]"
Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome

Fond sonore : Chapelle sixteen, Daniel Darc (album posthume)