Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

lundi 22 septembre 2014

Café de la Danse, deuxième (Deportivo style)


Mercredi 17 septembre 2014

Ouverture

Les Two bunnies in Love sont des rockeurs fringants (et normands), dont les pop songs entraînantes ont souvent des accents « surf music » et parfois un air de famille avec The Clash.
Passé le premier morceau un peu inquiétant, on découvre des chansons efficaces, qui font tapoter  gaiement des mains sur les cuisses, de jolis chœurs et un chanteur un poil décalé bien à l’aise sur scène.

Ils closent leur affaire avec leur tube Duchesse.
 

Climax

J’avais pas vu les Depor aussi carrés depuis longtemps. Frais et dispo, ils ont enchaîné leurs titres sans aucun temps mort. C’était un peu comme être pris dans un tunnel (surchauffé : rarement connu une ambiance aussi moite dans une salle de concert ; en mode t-shirt mouillé). Ou dans une tornade. Une fois dedans, plus moyen de rien maîtriser, t’es juste embarqué dans ce truc ultra kiffant, asphyxiant, imparable, urgent. Urgent que ça ne s’arrête pas, jamais. Mais bon, ça s’arrête. Deportivo c’est jamais long. Mais putain que c’est bon.

Et puis il y avait Fanny juste à côté de moi. Ma Fanny. Son air distant, ses cheveux qui balancent, son coude qui me frôle. Son rire qui résonne, ses yeux qui m’absorbent. Et mon envie incoercible de l'enlacer. Elle aime Deportivo, et moi, elle m’aime bien, ça suffit à mon bonheur du soir.
Fanny me trouble, je ne sais jamais me comporter normalement quand elle est là. J’en fais toujours trop. Comme une effervescence. Fanny c’est mon cachet euphorisant. Comme si je remuais, atone, à la surface d’un verre d’Eferalgan. Elle me met en état de suspension dans une effusion de mini bulles. Littéralement porté. Transporté.

Tout ça, la joie du moment, l’énergie du groupe, sa présence à elle si proche, ça m’a mis une pêche d’enfer !

Curieusement, direct après le concert, et un dernier tour dans la fosse (particuilèrement et étonnament calme d'ailleurs), j’étais comme vidé. Le sentiment étrange d’avoir été aspiré de l’intérieur. Mis du temps avant de retrouver mes esprits. Ragaillardi par la bière. Mais bientôt cette sensation de flotter au-dessus de l’instant : l’observer d’en haut, de par-dessus l’épaule ; constater qu’il existe, là, maintenant, et qu’il n’existera plus demain, qui sait, cet instant. Peut-être je ne verrai plus Deportivo en concert, peut-être je ne verrai plus Fanny. Probable qu’ils n’enrayeront pas la chute. Elle, a exclu une quelconque rechute.

Alors le forcer à être encore, cet instant. Tout faire pour qu’il soit. Parler sans s’arrêter, la voix éraillée, suspendue à l’émotion, à moins que ce ne soit au désir. Malgré soi, contre soi, au-delà de soi. Se mettre à la proue du navire, both on the same boat, au devant de tout le monde, écrasant tout le monde. Pour qu’elle m’entende. Pour qu’elle me regarde. Pour qu’elle m’accorde un moment près d’elle. Pour qu’elle tolère que je la prenne dans mes bras.

C’est complètement fou. Aberrant. Incompréhensible. Parce que c’est Fanny. Et justement, c’est parce que c’est Fanny. C’est irrationnel, c’est irraisonné. Pour reprendre son mot, c’est névrosé.
 
Alhambra, 2011
 
Les prénoms ont été modifiés. Ou pas.