Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

lundi 26 septembre 2011

Le sénat bascule à gauche, et moi dans l'optimisme (sans rapport a priori)

Aujourd'hui fût une belle journée. Le soleil a brillé, au lendemain de l'obtention par la gauche de la majorité absolue au sénat, une institution ré-organisée par la droite pour la droite, par pasqua et ses amis en 1986 (le découpage des circonscriptions avait été tripatouillé pour favoriser la droite, en fonction de la démographie électorale des territoires, lui permettant de conserver de fortes majorités quasi systématiquement). Sans prendre de position partisane, le début d'une alternance dans ce bastion est une bonne nouvelle du point de vue démocratique.


Voyons y l'augure de la déroute prochaine du système Sarkozy, un système où les comportements d'un autre temps sont encore légion. Pour preuve la panique actuelle dans les cercles proches du Président, relative aux mises en examen dans le dossier Karachi, de Nicolas Bazire, ex-directeur de cabinet et de campagne d’Édouard Balladur, et de Thierry Gaubert, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère du Budget en 1994, protagonistes d'une affaire de financement présumé occulte de la campagne présidentielle en 1995 d’Édouard Balladur

Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent connaître, mais où des pressions et des arrangements avec la loi pas si éloignés de ceux que l'on constate aujourd'hui (Hortefeux aurait eu accès au procès-verbal de la déposition de l'ex-femme de Gaubert, et informé celui-ci de son contenu pendant sa mise en examen) s'exercaient.
J'ai entendu parler récemment de l'affaire Robert Boulin, ministre retrouvé mort en 1979. Thèse officielle : suicide. Mais de nombreuses zones d'ombre se sont fait jour (oh c'te figure de style !). Éclairage sur l'affaire Boulin : le site de l'association Robert Boulin - Pour la vérité, tenu par la fille de l'ancien ministre.


Tout ça pour dire que les ténèbres nous enveloppent, mais qu'il faut garder l'espoir de jours ensoleillés, comme aujourd'hui, lundi 26 septembre 2011 :-)
Et que vous pouvez aussi écouter Deportivo, ça pourra pas vous faire de mal !



Le post du jour est un peu concis, un peu décousu, mais en creusant un peu tous ces sujets, vous verrez qu'il y a un tas d'infos intéressantes à dénicher, et qu'elles vous donneront envie de réagir. Et c'est ça l'essentiel.

lundi 19 septembre 2011

Decroissance ?

Partant du constat qu'on ne peut concevoir "une croissance infinie dans un monde fini", de nombreux théoriciens de l'écologie politique avancent l'idée de la décroissance. C'est l'opinion selon laquelle il faut se désengager du principe de croissance économique comme unique voie du salut de l'Être Humain. Et opter, à titre individuel et collectif (quelle gageure me direz-vous !), pour des comportements plus sobres et plus simples en tant que consommateurs, pour des politiques anti-consuméristes et anti-productivistes à l'échelle mondiale.

Car en effet, pour croître toujours plus, il faut consommer toujours plus. Or nos ressources sont limitées : il resteraient au rythme de consommation actuel, 41 années de réserve de pétrole, 70 années de gaz, 55 années d'uranium (sources respectives : Statistical review of world energy, Gaz de France, Commission des communautés européennes). Même si ces chiffres peuvent être sujet à débat, et les estimations évoluer en fonction de telle ou telle découvertes de gisement, il est évident que que nous approchons de l'épuisement de ces différentes sources d'énergie. On peut retarder l'échéance en tablant sur d'autres ressources fossiles (gaz de schiste), au prix de nouvelles dégradations de l'environnement. Les sources alternatives sont à l'heure actuelle inefficientes ou inopérantes. Les agrocarburants sont gourmands en sols agraires : ils accélèrent la déforestation et privent les populations de surfaces cultivables. L'éolien, le solaire, etc... fournissent une énergie difficile à stocker et intermittente. D'où l'importance d'aiguiller dès maintenant les investissements vers le développement technologique de ces solutions. Mais il est probable que cela ne suffise pas. Ayons en tête qu'une minorité de la population planétaire (nous, les riches) consomme la majorité des ressources naturelles (grosso modo 20% / 80%) disponibles. Considérons qu'il est bien naturel et compréhensible que les habitants des pays en voie de développement souhaitent voir leur niveau de vie s'aligner sur celui des "occidentaux". Vous admettrez que l'équation est intenable.

Alors ? La solution est-elle de diminuer drastiquement consommation et production ? Réduire nos besoins ? Autrement dit, entrer en décroissance. Le mot fait écho chez les sceptiques aux notions de retour à l'âge de pierre et de refus du progrès. Il est clair que le seul exemple de décroissance existant, la Russie, est peu engageant. Passé du statut d'une économie de superpuissance à celui d'une économie de survivance, le pays s'est certes désindustrialisé et a réduit ses émissions de gaz à effet de serre, mais à quel prix : crise sociologique (violence, alcoolémie, xénophobie) et crise démographique (selon l'agence des statistiques russes, Rosstat, le pays ne comptera plus que 127 millions d'habitants d'ici à 2031, contre quasiment 150 millions dans les années 90). 

Pour ses promoteurs, le décroissance devra être douce, concertée, soutenable, durable. Autant dire inatteignable eu égard à notre égoïsme individuel : pris dans le tourbillon consumériste, nous nous comportons comme dans un monde virtuel, sans nous soucier de l'impact de nos attitudes quotidiennes sur les ressources énergétiques et le dérèglement du climat. Saurons-nous accepter de vivre avec moins et différemment ? "Décoloniser notre imagination de la consommation" échevelée ?
Eu égard également aux enjeux financiers globaux, démocratiques, sociaux. Il faudrait ériger en cause internationale le partage entre pays riches et pays pauvres, la vision de l'humanité comme une et indivisible.

Je ne saurais dire si la décroissance est une utopie irréaliste ou l'évidence à suivre. Il faut en tout cas s'en inspirer pour remettre la nature au cœur de notre raisonnement, ignorée qu'elle est par le modèle capitaliste. Il faut en tout cas se poser des questions sur notre mode de vie perverti par le mythe de l'abondance. Il faut en tout cas que nous, individus, combattions pour responsabiliser la Politique et la contraindre à prendre les mesures qu'impose la survie des espaces naturels, de la biodiversité, de l'espèce humaine.

Inspiré par des documents issus de la Revue Agriculture environnement, du site internet decroissance.org et du professeur Yves-Marie Abraham.

Rouge Rose - Daniel Darc


Hé, hé, hé

Serait-ce le vent
Serait-ce la pluie
Serait-ce simplement l’ennui

Toi tu m’attends
Moi je m’enfuis
Tu pleureras toute la nuit

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois

Combien de roses à peine écloses
M’as-tu offert souviens-toi
Elles sont fanées
Comme ces années vécues entre toi et moi

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois

Est-ce au levant ?
Est-ce dans la nuit que je dirai « je t’en prie »

Je t’aimais tant
Ouais
Mais pourtant
Je crois que c’est bien fini

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois
Il se fout de toi et moi

Tournons et tournons encore et ne dis pas un mot
Tournons et tournons encore avant qu’il ne soit trop tard ou trop tôt

Combien de roses à peine écloses
M’as-tu offert souviens-toi
Bien tournons sans un mot
Bien tournons, il fait noir

Mon amour, la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois
Il se fout de toi et moi
Rouge sang, rose ta peau
C’est fini



Daniel Darc, Rouge Rose, issu de l'album Crévecoeur (2004)
En concert le 3 décembre 2011, à La Batterie, Guyancourt (78)

Chronique des Inrocks du 30/06/2003 à l'occasion de la sortie de la compilation : "Le meilleur de Daniel Darc" :
"Depuis vingt ans, tous ceux qui fréquentent ou croisent Daniel Darc (ou son spectre, les mauvais jours) ont souvent envisagé le pire concernant l'ex-kamikaze de Taxi Girl. On n'est donc pas mécontent d'en quérir Le Meilleur à travers cette compilation regroupant une vingtaine de fulgurances éparpillées en bande ou en solitaire, dans la lumière ou la marge, par cet archéologue du désespoir urbain qui aura toujours montré plus d'attirance pour les ruines que pour les carrières. Darc en solo, livré à lui-même ou soutenu par des bonnes volontés de passage (Daho, Jacno, Burgalat), c'est l'éternelle bataille du papillon et du néon, une sorte d'Icare brûlé à vif parce que trop pur, sans doute, sous ses dehors de junkie incontrôlable, de garçon sauvage un brin caricatural.

Il reste donc ces 45-tours éparpillés comme des bouteilles dans le caniveau, quelques albums inaboutis, un beau disque à quatre mains avec Bill Pritchard, des apparitions fantomatiques sur des compilations (Les Champs-Elysées, reprise hallucinante de Joe Dassin) et une petite moisson de tubes ratés de peu (La Ville, Nijinsky). Le seul fil conducteur, c'est cette voix, blanche comme une arme, comme la poudre, légèrement étranglée, cette voix d'Iggy cherchant des crosses à Gainsbourg, qui finit par trouver sa vérité, son apaisement dans la soie des cordes, en crooner irradié sur deux extraits d'un album de 1994 à réhabiliter d'urgence : Il y a des moments et surtout Le Feu follet, qui clôt ce recueil sur une lame de fond déchirante. Le Feu follet Drieu La Rochelle à la plume, Maurice Ronet au cinéma : une des obsessions récurrentes de Darc depuis des années. La tentation du suicide, heureusement pas la tentative. On a encore besoin de lui."


Et pour plus d'info : une autre chronique des Inrocks sur le dernier album du chanteur-poète, "Amours suprêmes".

lundi 12 septembre 2011

La famille Colibri, ou des solutions pour réduire son impact environnemental

J'ai reçu le texte qui suit il y a quelques mois déjà, via la coopérative Europe Ecologie Les Verts. Il est signé semble-t-il par Cécile et Jean-Marc Berthaud. Je tenais à vous le faire partager, car il synthétise une multitude d'idées pour nous permettre de réduire notre empreinte écologique. Il correspond aussi en de nombreux points aux valeurs qui me meuvent et que je souhaite diffuser par l'entremise de ce blog. 
La légende du colibri, qui sous-tend la parabole des Berthaud, est d'inspiration amérindienne. Elle est racontée à l'origine par Pierre Rabhi, agriculteur, écrivain et penseur français d'origine algérienne, pionnier de l'agriculture biologique et initiateur de Colibris, Mouvement pour la Terre et l'Humanisme, dont le site Internet est une mine d'information et d'initiatives pour ceux qui espèrent une alternative à notre modèle de société consumériste, une alternative fondée sur l’autonomie, l’écologie et l’humanisme.


Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »

"La famille Colibri réfléchit sur les conséquences de ses actes, de ses choix, de ses achats dans sa vie quotidienne. L’objectif est de favoriser tout ce qui améliore la prise en compte des valeurs sociales, de respect des Hommes et de la Terre, et de limiter les effets négatifs de ses consommations (pollution des sols, de l’eau et de l’air, épuisement des ressources naturelles, faillite des paysans…). Elle ne court pas après les heures supplémentaires, et si c’est possible elle apprécie le travail à temps partiel à certains moments de sa vie, ce qui lui laisse plus de temps pour sa vie personnelle, familiale, et pour s’impliquer dans la vie associative pour défendre ses valeurs ( = forces de vie ).
                 
La famille Colibri fait ses courses en priorité au marché ou en magasin bio, de préférence chez ceux qui s'engagent à rechercher les meilleurs produits, avec une marge raisonnable tout en respectant les fournisseurs, les producteurs et les employés. Exemple : Nouveaux Robinson, Biocoop… Comme elle s’informe auprès des mouvements militants comme Nature et Progrès, Les Amis de la Confédération Paysanne, Les Amis de la Terre, etc..…elle sait que les prix des aliments en bio ne peuvent pas être comparés avec les prix des denrées qui sont aspergées de subventions européennes et de pesticides issus du pétrole… Mais la santé prime, alors on s’organise à plusieurs, on diminue la viande au profit d’autres aliments, on cuisine, on innove !
Elle se fournit aussi en direct auprès des paysans, par l'intermédiaire de groupement d'achats, de coopératives, d'AMAP...Mais comme elle voit qu'il n'y a pas assez de produits agricoles biologiques cultivés en France, elle soutient l'installation de paysans s’engageant dans une agriculture familiale, durable et biologique, en prenant des parts dans la Foncière Terre de Liens. Elle est ainsi satisfaite de mettre de la cohérence entre ses opinions et ses actions concrètes.

Si la famille peut disposer d'un bout de terre (son propre jardin ou un jardin partagé communal ou associatif ), elle pourra ainsi avoir sa parcelle d’autonomie alimentaire, et expérimenter une nouvelle forme de résistance, celle qui consiste à choisir ses semences chez ceux qui favorisent la biodiversité (ex : Kokopelli, Semence Paysannes...), son matériel (ex : Jardineries Botanic, où l’on ne trouve  que des phytosanitaires autorisés en agriculture biologique) et ainsi se démarquer de la dépendance aux grands groupes agro-chimiques alimentaires....Elle observe les insectes, les abeilles et les oiseaux dans ce jardin, signes d’une belle biodiversité et apprécie la convivialité autour d’un jardin, le partage, et les échanges de conseils et de surplus de récoltes. Dans ce jardin, on trouve aussi un récupérateur d’eau de pluie et un endroit réservé au compostage des déchets organiques de la cuisine et du jardin.

Pour s’habiller, la famille a le choix : de plus en plus de nouveaux fabricants, ou distributeurs, souvent issus du réseau de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) proposent des vêtements en coton bio, en laine, en soie, en chanvre. La filière de ces textiles est porteuse des valeurs de l’ESS dans le respect de l’environnement, de la santé et de la dignité des employés pour ce qui concerne les modes de production de matières premières, la création, la fabrication et la vente des vêtements. Pour démarrer leur activité, ces fabricants ont souvent bénéficié du soutien professionnel et financier du réseau de l'ESS (ex : les pulls de la SCOP Ardelaine, entreprise pionnière dans la démarche ESS, Ethos, Ideo, Tudo Bom ....).

Quand la famille envisage la décoration et l’aménagement de son habitation, elle se renseigne sur les matériaux sains et non polluants qui existent sur le marché (ex : Les Matériaux Verts). Elle consulte les revues spécialisées, elle apprend les nouvelles techniques ou elle fait appel aux artisans compétents, d’une coopérative d’emplois par exemple !
Le tri sélectif est devenu un automatisme. Il lui arrive aussi d’acheter du matériel d’occasion, révisé par une entreprise d’insertion (ex : le réseau ENVIE, Emmaüs, ou TAE avec ATD Quart-Monde).                

La famille a choisi de quitter EDF et c’est la SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif)  Enercoop,  qui lui fournit son électricité garantie d'origine 100% énergie renouvelable (encore l’ESS !!). Ainsi elle participe à l'investissement dans de nouveaux moyens de production d'électricité et à une réappropriation citoyenne des moyens de production de l'énergie. C’est un des axes possibles d’action concrète pour organiser la transition vers une société moins dépendante des énergies fossiles et du nucléaire !


Si l’orientation du toit de sa maison  est favorable, elle fait installer des capteurs solaires thermiques qui lui assurent la majorité de son eau chaude sanitaire, qui sera complétée par une chaudière gaz à condensation, par exemple ! Bien sûr, elle préfère les douches, et répare rapidement les fuites d’eau, mais elle sait que c’est l’agriculture intensive (très subventionnée…) qui consomme 70 % de l’eau ! L’hiver, elle apprécie la chaleur diffusée par son insert, ou son poêle à bois.   
           
Pour se déplacer, dès que c’est possible, elle privilégie les transports en commun, le co-voiturage, le vélo…et la marche à pied ! Elle se renseigne aussi sur le réseau d’Autopartage.
  
Pour les vacances, la famille cherche dans le réseau Accueil Paysan un lieu sympa : camping, gîte, chambre d'hôte... Elle est sûre d'être accueillie par des paysans qui recherchent les échanges authentiques entre ruraux et citadins et qui utilisent des méthodes de culture  respectueuses de l'environnement. 


Les parents ont leur compte bancaire au Crédit Coopératif
dont la vocation est d'être une banque coopérative, mettant ses métiers au service des acteurs d'une économie responsable, respectueuse des personnes et de leur environnement. Pour continuer de se renseigner sur l’affectation utile de son épargne, sur les offres de finances solidaires, la famille consulte le site Finansol. C'est là qu'elle a découvert  les C.I.G.A.L.E.S. et elle s’est lancée dans l’aventure avec quelques amis : ce sont des clubs d'investissement de quelques personnes qui mettent en commun une petite épargne pour aider à la création et au développement de petites entreprises locales, en privilégiant les projets respectueux de l'être humain et de son environnement (commerce équitable Nord/Nord et Nord/Sud, agriculture biologique, insertion sociale, promotion de la culture, protection de l'environnement, construction saine  …). La famille Colibri est ainsi associée à la vie d’une entreprise solidaire !"

Pour le reste, soyez créatifs !

mardi 6 septembre 2011

La dérive xénophobe

On le sait bien, les ressorts de la xénophobie tiennent dans l'angoisse d'un futur incertain, l'inquiétude face à des lendemains supposés difficiles, le manque d'armes (financières, culturelles, intellectuelles) pour appréhender un monde en mouvement. Sa traduction la plus basique est le repli sur soi, sur sa famille, sur sa communauté. L'Autre perçu comme une menace, comme le bouc émissaire, comme la cause évidente du déclin.
Voilà rapidement ce qu'il en est du mal et des ses effets. Le traitement est simple, même si c'est à désespérer qu'il donne un jour des résultats à grande échelle : l'ouverture aux autres, l'examen objectif des qualités et défauts de sa propre "communauté", l'éducation, les voyages, la curiosité d'esprit.

Le plus grave, à notre époque, est que ce sentiment soit exacerbé par des (ir)responsables politiques, pour des raisons idéologiques peut-être bien, pour des raisons électoralistes plus sûrement. Les exemples pullulent : dernier en date, la sortie du député UMP du Cantal affublant le vice-président EELV de la région IDF du doux sobriquet de "Coréen national" (le dit Coréen, Jean-Vincent Placé est né en Corée en 1968, adopté à l'âge de sept ans en 1975 par une famille normande, et de fait Français à part entière). Alain Marleix (le député) ne dépasse toutefois pas son maître Hortefeux et sa célèbre blagounette de 2009 sur les "Auvergnats" : "Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes". 

A l'image des membres du collectif de parlementaires UMP, La Droite Populaire, ils incarnent la frange droitière du parti présidentiel. Aile dure de la majorité, porteurs des "valeurs de droite", il est opportun de se demander s'ils sont le bras armé du parti sarkozyste en vue de séduire les électeurs "lepenisés"ou bien simplement l'expression de la nature profonde du navire UMP. Et même dans ce cas, leur activisme, cautionné par les responsables du parti, et partant, par le Président de la République issu de ses rangs, ne peut être toléré. Voilà une initiative qui en dit long sur le sens et la portée de ce mouvement : à l'occasion de la dernière fête nationale, certains de ces membres ont organisé, dans les murs de l'Assemblée nationale, un apéro "saucisson vin rouge". Une "fiesta" aux relents un poil abjects quand on se souvient que des apéros similaires avaient été lancés en 2010 par des groupes d'extrême-droite, et dont la signification était pour le coup sans ambiguïté, clairement raciste et provocatrice à l'égard de ceux d'entre nous qui ne consomment ni porc ni alcool. 
Pris séparément, ces faits peuvent (parfois) paraître anodins. Mis bout à bout, il est incontestable qu'ils créent un climat délétère.
Autre expression toute récente de rejet et de peur de l'autre : l'affrètement et l'escorte par la police d'une rame de tramway pour aider à l'évacuation d'un camp de Roms (voir cet article du monde d'Audrey Garric). Pas le temps ni la documentation pour traiter ici cette question des Roms, qui a pourtant fait l'objet l'été dernier d'une vilaine récupération par notre Président.

Hors de nos frontières, en Europe, on observe un peu partout une montée du racisme. Les situations choquantes se banalisent, et conduisent probablement à légitimer dans la tête de fanatiques les actes les plus odieux. Je pense à Anders Behring Breivik, cet extrémiste à la folie assumée qui a endeuillé la Norvège en juillet, pour avoir cru être un chevalier en croisade contre l'islamisation et la tendance au multiculturalisme dans son pays ! La Norvège, comme d'autres pays, a vu les thèses populistes et nationalistes gagner en audience ces dernières années : le Parti du Progrès, le plus à droite sur l'échiquier norvégien, a recueilli 22,9% des suffrages aux dernière élections parlementaires, en prônant la limitation de l'immigration au moyen d'expressions choc et de tracts polémique.



Attentat de Norvège : le débat politique évolue sur l'immigration
(02:27)








En Hongrie, le premier ministre conservateur Viktor Orban a mis la main sur les médias, brimant leur indépendance, et élaboré une nouvelle constitution jugé "anti-démocratique", provoquant l'inquiétude des dirigeants onusiens et européens.

Espérons que notre jeunesse, comme la Petite Poucette du philosophe Michel Serres (voir l'entretien dans Libération), aura "des amis musulmans, sud-américains, chinois, [qu']elle les fréquente[ra] en classe et sur Facebook, chez elle, partout dans le vaste monde. Pendant combien de temps lui fera-t-on encore chanter «qu’un sang impur abreuve nos sillons» ?"

Image de 24heuresactu.com