Sarkozy et sa fine équipe vont à n'en pas douter nous rejouer le tour de 2002 et 2007 : profiter d'un fait divers atroce et poignant pour alimenter la peur au sein de la société, et se poser en rempart ultime face aux affres d'un monde anxiogène.
Certes le drame en question, le viol et l'assassinat horrible d'une enfant de 13 ans par un adolescent récidiviste, est tragique. Il remue les tripes de chacun d'entre nous.
Mais il est inacceptable que ce soit l'occasion pour un gouvernement aux abois de jouer sur l'émotion suscitée en vue d'en tirer un profit électoral.
Selon l'adage sarkozyste 1 fait-divers = 1 loi, l'exécutif va nous resservir (nous ressert déjà) une solution ronflante et des promesses inconsidérées.
Mais à l'aune des actions du quinquennat finissant, nous ne serons pas dupes des prochaines mascarades législatives. Gardons la mémoire.
Car depuis 2007, c'est bien d'une réforme de la justice menant à un manque croissant de moyens humains, et donc à des procédures judiciaires pas ou mal suivies, dont nous avons été témoins. C'est aussi la poursuite d'une politique du tout carcéral conduisant à une augmentation continue de la population pénitentiaire, dont le record a été atteint tout récemment (article du Monde du 15 novembre dernier), et à une diminution des effectifs de surveillants. Ce qui ne manque pas d'entraîner l'aggravation de conditions de détention, et par là-même des conditions de suivi, de traitement adapté et de ré-insertion éventuelles des prisonniers.
Ne laissons pas l'émotion nous aveugler. J'entends de ci de là dans la population des réactions non mesurées, et notamment la relance du débat idiot sur l'utilité de la peine de mort (se référer aux différentes articles & études sur le net évoquant son effet non dissuasif constaté dans les pays qui l'appliquent). Il est compréhensible que l'individu personnellement touché, en rage, imagine se faire justice lui-même. Mais la société, en tant qu'ensemble d'individus, se doit d'être plus forte que ces tentations. Elle doit répondre de manière équilibrée, adaptée mais néanmoins efficaces à ces crimes, pour éviter leurs récidives.
Ne laissons pas l'émotion nous aveugler non plus sur les réalisations réelles survenues au cours du mandat Sarkozy. Ils n'ont rien amélioré sur ce point malgré leurs discours, ils ne le feront pas non plus lors d'un second mandat, d'autant que les coupes budgétaires à venir, inévitables au vu de notre déficit colossal et du déclin économique en cours, ne laisseront que peu de marge.
L'édito du jour de Dominique Garraud, du journal la Charente Libre, rejoint également ce point de vue, ainsi que les propos de Maxime Hamon (écouter vers 4min35), évidemment de manière plus partisanne...
"Questions légitimes et surenchères
Le
drame de Chambon-sur-Lignon interpelle les individus et l'opinion à un
double titre: d'abord l'horreur de voir une adolescente violée et
massacrée par un autre jeune de son internat. Ensuite la stupéfaction
d'apprendre que le meurtrier présumé était sous le coup d'une mise en
examen pour un viol commis en 2010, en liberté provisoire, et admis en
internat au collège-lycée Cévenol sans que l'administration de
l'établissement soit informée des antécédents judiciaires de ce jeune de
17 ans.
On ne peut a priori que partager la «sidération» du
directeur de cet internat ouvert et mixte face aux questions posées par
le parcours à l'issue fatale de cet élève dont il ignorait tout du passé
criminel. Chercher l'erreur en préjugeant que la trouver est le moyen
le plus sûr d'éviter ce type de récidive aggravée, est plus que
légitime. C'est indispensable, tout en sachant que «l'erreur est
humaine», comme l'a relevé avec beaucoup de dignité la mère de la jeune
Agnès.
Le
président du tribunal des enfants de Bobigny Jean-Pierre Rozenscveig
est sans nul doute sincère lorsqu'il affirme qu'un «juge ne prend jamais
de risque» dans le rendu d'une décision. Sauf que le domaine de
l'évaluation de la dangerosité est très loin de relever de sciences
exactes. La justice pensait s'être entourée de toutes les précautions
avec un suivi serré du jeune violeur: obligation de soins, examens
réguliers et expertises de psychiatres et éducateurs avaient tous conclu
à l'absence de dangerosité de l'adolescent.
Ce qui n'explique en
rien l'incroyable lacune qui a conduit à laisser dans l'ignorance totale
les responsables de l'établissement où le présumé meurtrier passait ses
jours et ses nuits. Des enseignements doivent évidemment être tirés sur
la communication indispensable entre les services de probation en
charge des mineurs et les autres administrations amenées à les avoir
sous leur autorité.
Mais ces efforts n'engendreront pas, comme par
un coup de baguette magique, le risque «zéro» de récidive. Pas plus que
le rétablissement de la peine de mort «pour les meurtriers d'enfants»
réclamée par Marine Le Pen avec un sens de l'à-propos et de la
surenchère sur le malheur des autres digne des outrances de son père. Ni
l'empilement de lois contre la récidive. Aucun fait divers isolé, aussi
horrible et choquant soit-il, ne vaut d'en tirer des leçons politiques
générales et surtout pas dans le registre de la polémique.
En ce
sens, l'assassinat de la jeune Agnès est tragique, insoutenable, mais en
aucune sorte exemplaire d'un laxisme forcément coupable, voire
délibéré."