Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

lundi 21 novembre 2011

Les stratèges de la peur

Lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres. Cette jolie phrase que j'ai entendue la semaine dernière (et qui s'avère être une citation d'Alexis de Tocqueville, grand penseur de la Démocratie) tombe fort à propos vis-à-vis de la séquence que nous vivons ces jours-ci.
Sarkozy et sa fine équipe vont à n'en pas douter nous rejouer le tour de 2002 et 2007 : profiter d'un fait divers atroce et poignant pour alimenter la peur au sein de la société, et se poser en rempart ultime face aux affres d'un monde anxiogène.
Certes le drame en question, le viol et l'assassinat horrible d'une enfant de 13 ans par un adolescent récidiviste, est tragique. Il remue les tripes de chacun d'entre nous.
Mais il est inacceptable que ce soit l'occasion pour un gouvernement aux abois de jouer sur l'émotion suscitée en vue d'en tirer un profit électoral.
Selon l'adage sarkozyste 1 fait-divers = 1 loi, l'exécutif va nous resservir (nous ressert déjà) une solution ronflante et des promesses inconsidérées.
Mais à l'aune des actions du quinquennat finissant, nous ne serons pas dupes des prochaines mascarades législatives. Gardons la mémoire.

Car depuis 2007, c'est bien d'une réforme de la justice menant à un manque croissant de moyens humains, et donc à des procédures judiciaires pas ou mal suivies, dont nous avons été témoins. C'est aussi la poursuite d'une politique du tout carcéral conduisant à une augmentation continue de la population pénitentiaire, dont le record a été atteint tout récemment (article du Monde du 15 novembre dernier), et à une diminution des effectifs de surveillants. Ce qui ne manque pas d'entraîner l'aggravation de conditions de détention, et par là-même des conditions de suivi, de traitement adapté et de ré-insertion éventuelles des prisonniers.

Ne laissons pas l'émotion nous aveugler. J'entends de ci de là dans la population des réactions non mesurées, et notamment la relance du débat idiot sur l'utilité de la peine de mort (se référer aux différentes articles & études sur le net évoquant son effet non dissuasif constaté dans les pays qui l'appliquent). Il est compréhensible que l'individu personnellement touché, en rage, imagine se faire justice lui-même. Mais la société, en tant qu'ensemble d'individus, se doit d'être plus forte que ces tentations. Elle doit répondre de manière équilibrée, adaptée mais néanmoins efficaces à ces crimes, pour éviter leurs récidives.

Ne laissons pas l'émotion nous aveugler non plus sur les réalisations réelles survenues au cours du mandat Sarkozy. Ils n'ont rien amélioré sur ce point malgré leurs discours, ils ne le feront pas non plus lors d'un second mandat, d'autant que les coupes budgétaires à venir, inévitables au vu de notre déficit colossal et du déclin économique en cours, ne laisseront que peu de marge.

L'édito du jour de Dominique Garraud, du journal la Charente Libre, rejoint également ce point de vue, ainsi que les propos de Maxime Hamon (écouter vers 4min35), évidemment de manière plus partisanne...

"Questions légitimes et surenchères


Le drame de Chambon-sur-Lignon interpelle les individus et l'opinion à un double titre: d'abord l'horreur de voir une adolescente violée et massacrée par un autre jeune de son internat. Ensuite la stupéfaction d'apprendre que le meurtrier présumé était sous le coup d'une mise en examen pour un viol commis en 2010, en liberté provisoire, et admis en internat au collège-lycée Cévenol sans que l'administration de l'établissement soit informée des antécédents judiciaires de ce jeune de 17 ans.
On ne peut a priori que partager la «sidération» du directeur de cet internat ouvert et mixte face aux questions posées par le parcours à l'issue fatale de cet élève dont il ignorait tout du passé criminel. Chercher l'erreur en préjugeant que la trouver est le moyen le plus sûr d'éviter ce type de récidive aggravée, est plus que légitime. C'est indispensable, tout en sachant que «l'erreur est humaine», comme l'a relevé avec beaucoup de dignité la mère de la jeune Agnès.
Le président du tribunal des enfants de Bobigny Jean-Pierre Rozenscveig est sans nul doute sincère lorsqu'il affirme qu'un «juge ne prend jamais de risque» dans le rendu d'une décision. Sauf que le domaine de l'évaluation de la dangerosité est très loin de relever de sciences exactes. La justice pensait s'être entourée de toutes les précautions avec un suivi serré du jeune violeur: obligation de soins, examens réguliers et expertises de psychiatres et éducateurs avaient tous conclu à l'absence de dangerosité de l'adolescent.
Ce qui n'explique en rien l'incroyable lacune qui a conduit à laisser dans l'ignorance totale les responsables de l'établissement où le présumé meurtrier passait ses jours et ses nuits. Des enseignements doivent évidemment être tirés sur la communication indispensable entre les services de probation en charge des mineurs et les autres administrations amenées à les avoir sous leur autorité.
Mais ces efforts n'engendreront pas, comme par un coup de baguette magique, le risque «zéro» de récidive. Pas plus que le rétablissement de la peine de mort «pour les meurtriers d'enfants» réclamée par Marine Le Pen avec un sens de l'à-propos et de la surenchère sur le malheur des autres digne des outrances de son père. Ni l'empilement de lois contre la récidive. Aucun fait divers isolé, aussi horrible et choquant soit-il, ne vaut d'en tirer des leçons politiques générales et surtout pas dans le registre de la polémique.
En ce sens, l'assassinat de la jeune Agnès est tragique, insoutenable, mais en aucune sorte exemplaire d'un laxisme forcément coupable, voire délibéré."

jeudi 17 novembre 2011

Deportivo, libérateur officiel de tensions

Ces derniers temps, je suis un peu monomaniaque de Deportivo, dont les albums passent en boucle dans ma voiture et sur mon ordinateur. Sûrement que la rage latente contenue en moi trouve une forme de reconnaissance dans ces morceaux nerveux et ramassés.
Deportivo c'est l'un des groupes de rock français les plus talentueux : inclassable, rare, agité.... Auteurs de 2 premiers albums tout de fureur et d'urgence, ils ont sorti un 3ème album plus apaisé début 2011, mais qui conserve néanmoins la fougue légendaire du power trio yvelinois et cette poésie singulière et désarmante, à peine saisissable mais à laquelle je suis pourtant si sensible.

Sur leur deuxième album au titre éponyme (Deportivo, 2007), le groupe reprend une chanson de Miossec, "Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement". Les paroles du rockeur breton, qui évoquent la fin d'une relation de couple, sont assez glaçantes de justesse. Je l'ai écoutée bien souvent, mais sans remarquer jusqu'ici le réalisme cru du texte et sans y déceler ce qui fait pourtant la patte de Miossec, ce talent bouleversant pour exprimer la décrépitude des sentiments.

"Notre histoire ne date pas d'hier
Car si on l'écoute on l'entend
S'époumoner cracher des glaires
On se demande comment elle a fait un pas devant
Ça ça restera toujours pour moi un mystère
Comment le corps s'habitue quand l'amour meurt doucement
Sans même avoir eu un jour le flair
Que la chair s'éteint lentement
Je pense que c'est le soir où t'as éteint la lumière
En te retournant sur le flanc
Le lendemain on s'est réveillé derrière contre derrière
Le lendemain on s'est réveillé avec nos dos comme paravents
Te rappelles-tu le bruit de nos cuillères
Qui est mort ? on se serait cru à un enterrement
Mais c'est nous deux qui descendions sous terre
Quand tu m'as dit que la nuit j'avais grincé des dents
Tu m'as ensuite demandé pourquoi j'étais sur les nerfs
Pourquoi j'étais si nerveux depuis quelques temps
Tu m'as dit que je devrais même ouvrir une bière
Tu me l'avais pas dit depuis si longtemps
Que je ne savais même plus comment il fallait faire
Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement"




dimanche 13 novembre 2011

Intouchables ?

Allez on se sentait plutôt bien ces derniers temps, on est allé voir Intouchables et on a ri... On avait envie de rire. On avait besoin de rire. Intouchables, le dernier film du duo Toledano / Nakache, c'est le genre de comédie-médicament qui touche le cœur des français. Et comme la France est l'un des pays du monde qui consomme le plus de médocs, bah un film thérapeutique, ça engrange. Industrie cinématographique, industrie pharmaceutique, même combat ? Faut avouer c'est bien ficelé, plein de bons sentiments, mais sans que ce soit trop dégoulinant de pathos en tube. C'est drôle, les acteurs sont bons et ils nous divertissent. Pis c'est mignon tout plein cette histoire d'amitié entre le jeune de banlieue (pas aussi méchant que peuvent l'être les vrais méchants quand même) et le riche tétraplégique (pas aussi détestable que peuvent l'être les plus riches quand même).
On se laisse bercer par cette bonne humeur ambiante, la bande-son entraînante et la faculté de ces archers-réalisateurs à faire tour à tour vibrer les cordes de l'émotion et du rire.
C'est la beauté du cinéma que de savoir parfois nous mettre en apesanteur, dans une bulle de légèreté, éloigné temporairement des lourdeurs du quotidien. Alors je ne vais pas faire mon rabat-joie : non, ne boudons pas notre plaisir et allons voir ce film !

 
Seulement il ne s'agirait pas que son effet soit similaire à celui des anti-dépresseurs : traiter le symptôme et occulter la racine du mal. 

 
Car on rit moins quand on lit dans la presse que certains de nos politiques (plus très actifs soit...) continuent à bénéficier de priviléges liés à l'occupation de logements à loyer modéré, et pire, refusent d'y renoncer :
Jean-Pierre Chevènement loue un appartement de 120 m² dans le Ve arrondissement, propriété de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). Un logement classé dans la catégorie « ILN » (« immeuble à loyer normal »), le haut de gamme du parc social, destiné aux classes moyennes. Son loyer : 1 519 euros par mois. Dans le parc privé, cet appartement se louerait 3 500 euros par mois.
Fadela Amara refuse également de quitter son appartement, plus modeste : 50 m² dans le XIIIe arrondissement pour un loyer de 525 euros (source Rue89).
Le but n'est pas de leur jeter la pierre (Jean-Pierre ?), car ce ne sont pas les seuls (néanmoins les 2 derniers récalcitrants semble-t-il) : souvenons-nous du cas Boutin en 2007. Mais c'est d'autant plus choquant qu'il s'agit de personnalités politiques, qui devraient montrer l'exemple. Comment contraindre après cela les milliers d'individus lambda qui occupent également des HLM à des loyers qui ne correspondent plus en rien à leurs situations financières et/ou familiales (suite à des augmentations de leurs revenus au fil des ans, au départ des enfants, etc...)  et qui empêchent ainsi des familles dans le besoin d'accéder au parc de logements sociaux, à les quitter.

 
On a moins ri aussi quand il s'est agi de résoudre le problème de math de la semaine : la suite de Nicolas Sarkozy était-elle à 35 000 € (comme avancé par le tabloid The Sun) ou à 3500 € la nuit (comme rectifié par Franck Louvrier, le conseiller du Président) ? Le séjour dans le luxueux hôtel cannois Majestic a duré 2 nuits, et se justifiait par la tenue du G20 sur la Riviera (de diamants ?). Voilà les données de l'équation. Vous avez trouvé quoi vous comme résultat ?
 

Tout cela fait désordre au beau milieu des annonces de plans de rigueurs drastiques, à l'heure de sauver l'Europe et le monde de la "plus grave crise économique de l'histoire".
Décidément, ils sont intouchables, eux aussi.