Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

mercredi 13 mai 2015

Expé MED : 10 jours au large



Au cours de l’été 2014, j’ai mené pendant une semaine une vie d’éco-volontaire sur le Ainez, voilier de 17m affrété par l’expédition MED, dont l’objectif est d’étudier la pollution marine par les déchets plastiques.
Voici le récit sans prétention de ce périple méditerranéen, qui m’aura mené de La Valette à Nice, en passant par Rome et Gênes, et donné l’occasion d’admirer depuis le pont blanc du bateau l’Etna, le Stromboli, le Vésuve, Capri... Juste pour garder une trace de ces jours de félicité, et même de pure grâce en certains moments. Des notes de voyage couchées sur un minuscule calepin, presque au jour le jour, souvent minimalistes, parfois plus exaltés.

Jour 1. 14 Août 2014. Malte
Après une nuit au British Hôtel, dans une petite chambre au confort minimal. Lever 7h30. Temps beau et chaud. Premier petit déjeuner sur la terrasse ensoleillée dudit hôtel. Vue sur le port oriental, gardé par les canons des jardins d’Upper Barakka et les trois Cités.
Visite de La Valette : tour de la ville au long des remparts, puis je pénètre le centre en suivant les conseils du Petit Futé. Visite de la co-cathédrale, dont l’intérieur est incroyablement riche, chargé d’or et de marbre.
A la mi-journée, je prends le bus jusqu’à Birgu, la plus ancienne des 3 cités. Déjeuner au restaurant « Cargo » : salade caprese. La terrasse fait face à une marina toute neuve, qui accueille ô signe du destin, un bateau battant pavillon normand ! Très chouettes petites ruelles dans la ville, l’une d’elles abritant une maison normande (Dar el ???).
Montée sur les hauteurs de Kalkara, en alternant bus & marche à pied, comme indiqué par le guide, mais bon, la vue est moyenne…
Nouveau tour en bus pour me rendre à Marsaxlokk. Port de pêche de l’est de Malte, abritant de jolis barques et bateaux colorés. Mer jolie (pas aussi bien cependant que dans le village blanc de Loutro en Crête).
Pas pu aller jusqu’à la Peter’s pool ni au phare de Delimara, le trajet direct étant coupé par la powerstation. Pas de plan assez précis pour s’aventurer par delà les collines.
Du coup de nouveau le bus pour Marsaskala, peut-être ? Horaires aléatoires : de quoi apprendre à prendre le temps…. Et bien Marsaskala quand même. 1h30 de transit, entre mauvais choix et horaires fluctuants du bus. Ce n’était pas loin, à pied…. Bon, il faisait chaud…
Assez grande ville coupée en deux par une baie où mouillent des bateaux : cf photo coucher de soleil. Note : photos d’au moins une partie de la journée prises avec objectif barbouillé…
Petit bain au niveau des salines. Charmant comme endroit. Dommage que de l’autre côté du cap, l’énorme hôtel endommagé et abandonné provoque cette impression triste.
Pas de dîner sur place : Tal familja trop chic pour moi tout seul… :-/
Bière sur la terrasse de l’hôtel et resto « La Cave », place de Castille. Ravioli au chèvre de Gozo + Chianti.

Jour 2
Centre de l’île. Rabat. Rien de ouf mais belle église monumentale et belles maisons de ville.
Puis Mdina, ancienne capitale, contiguë, très belle cité ceinte de rempart. On voit la mer du point le plus haut (côte La Valette).
Bus jusqu’à Dingli, petit village : le centre (décoré de banderoles colorées), l’église (entourée de statues spectaculairement ornées). Célébration de la vierge 15 août.
Marche vers les falaises. Petite chapelle Magdalena qui les domine.
Traces préhistoriques sur le sol rocheux témoignant du transport de charges lourdes > buskett (pas facile à localiser sur le terrain…. Vue sur le château de Verdana (Demeure 1er ministre je crois). Égarement, chemin sans issue, beaucoup de marche en plein soleil à la mi-journée : je transpire comme un goret.
Direction Siggiewi, par le bus 201, qui passe par là presque miraculeusement. Il ne va pas à Ghar Lapsi, du coup temple Hagar Qim avec déjeuner au resto à côté (salade maltaise pas top et bière) + temple Mnajdra dans la foulée. Bus. Grotte bleue (arnaque à touriste…). Bus. Ghar Lapsi finalement. Spot de baignade dans les rochers. Un peu comme blue grotto, mais plus reculé, plus familial. Baignade. Bière dans l'unique bar resto, digne du far west.
Il a encore fait chaud. J’ai un peu cuit.
Petite balade vespérale, coucher de soleil sur La Valette. Resto du soir : « D’office Bistro ». Lapin spécialité locale + vin maltais. Concert jazz sur la terrasse du "bar rouge du pont". Very cool.

Jour 3
Direction l’ouest de l’île. 1ère étape : Saint Paul’s Bay. Port + station balnéaire. Pas de plages de sable, mais les cailloux sont « accueillants » pour les pieds.
Vu passer 10 bus pleins avant de pouvoir embarquer pour Mellieha. Là, j’attendrai une heure (je ne sais plus en fait, le temps a pris une autre forme…) pour prendre les bus 101 & 102 qui ne viendront pas, comme mes compagnons d’infortune italiens. Je m’apercevrai plus tard qu’en fait si, ces « bus » étaient les camionnettes rouges dont un des chauffeurs m’avait filé une mauvaise info, ou c’est moi qui avait posé la mauvaise question… bref problème de direction a priori.
Recherche d’itinéraires de repli.
Finalement je prends le bus X1 pour Ghadira, plage de sable très touristique, puis 237 pour Anchor bay (Popeye Village…), jolie crique un peu beaucoup galvaudée par le parc.
Manikata puis Golden Bay à pied par le désert puis les parcelles cultivées (citrouille énorme, piments, etc…), 1 heure de marche. Jusqu’ici le paysage le plus beau. 
Bain de soleil puis bain tout court. Traversée de Ghajn Tuffieha Bay, juste de l’autre côté de la tour, pour arriver au sommet opposé : surprenante bosse dont la terre est verte : texture bizarre qui s’effrite ! Baie plus tranquille en contrebas (Gnejna bay ?).
Retour par le bus 44. La Valette à 18h. Belle lumière sur les pierres de Sainte Catherine d’Italie. On redécouvre cette ville à chaque fois, et on apprend à l’aimer. La première fois ne suffit pas.
Note : couleur du front, du tour de cou, du décolleté en V : définitivement rouge.
Repas du soir au café Luciano.

Jour 4
Petit tour à Floriana, qui occupe la partie ouest de la péninsule de Xiberras, puis cheminement dans la Valette voisine pour atteindre, en passant sous le rempart, l’extrémité est de la capitale (Fort Saint Elme). Affleurement rocheux et échelle descendant dans l’eau autorisent une séance de bronzage et un petit bain marin matinal. Ferry jusqu’à Sliema. Balade sur le front de mer, de là jolie vue sur La Valette. Immeubles de construction moderne qui dénature le paysage, même si ceux sur la pointe Tigné ont de la gueule quand on s’en approche. Au-delà le front de mer est aménagé type balnéaire, les terrasses de globigérine faisant office de plages avec des piscines naturelles creusées par l’érosion. Chouette retour en ferry.
Pâtes en terrasse près de la Co-Cathédrale. Lecture à l’hôtel, carte postale. Photo Sainte-Catherine sous la limpide lumière du soir.
Dernière soirée.

Jour 5. La traversée
Départ aux alentours de 13h30. Direction Nord-Est. Une légère panique intérieure m’étreint l'espace d'un court instant, mais non, vraiment, zéro signe du mal de mer. Très très joli coucher de soleil (première expérience personnelle d’un coucher de soleil en pleine mer) et magnifique ciel constellé d’étoiles. Quart de nuit 3h30 / 5h. Côtes siciliennes assez rapidement en vue après la tombée de la nuit. Pas dormi tellement avant le quart. Énervement, bruit du moteur, exiguïté de la couchette. Bien mieux après. L’impression d’avoir dormi des plombes, mais non, réveil à 8h30. On longe Syracuse. On aperçoit l’Etna au loin vers 11h. Deux manta dans la matinée. Je participe au second. Lâcher et remontée avec Cathy, puis manipulation du prélèvement. Rinçage du tube à l’eau de mer, puis du tamis au formol.

Jour 6
14h. Fini de lire le Bruit et la Fureur de Faulkner. Vent arrière, houle arrière. On file comme le vent, droit sur l’Etna. 8 nœuds. Coup de vent vers 16h. Je commence Cent ans de solitude. On voit deux dauphins. JC joue de la sanza (instrument de percussion africain). Je m’y essaierai plus tard. NB : s’en acheter un à l’occasion. Le soleil se couche sur la cime de l’Etna, ceint d’un nuage dense et baigné de brumes diaphanes, diffuses, pâles, légèrement rosées. Magique, vraiment magique.

Jour 7
Mouillage au pied de Taormina (Taormina !!!! cf l’album de Murat, dont je connaissais le titre, mais pas le contenu. Et c’est vraiment bien).
Réveil 8h15. Bateau déjà en route depuis 4h30. On poursuit l’entrée dans le détroit de Messine. Au point le plus proche, Sicile et continent ne sont distants que de peut-être 500m.
Bateaux des pêcheurs d’espadon croisés en fin de matinée (étonnant !).
Début d’aprem : baignade en mer accroché à la corde de l’annexe, dans le sillage du bateau. Lecture de Cent ans (en français)... Livre exquis, absurdo-comique, éveillant à partir de la page 150 environ un sentiment d’étrange tristesse. Émotion et nostalgie qui tiennent sûrement à la disparition des premiers personnages et du patriarche.
Guet à la proue du bateau. Le temps n’existe plus. Le seul rythme qui vaille est celui de la coque fendant l’eau à épisodes réguliers. L’ennui n’existe pas comme il peut exister ailleurs. C’est étonnant. C’est possible de rester à ne rien faire des heures durant. C’est même bon. C’est doux, c’est lent, le moteur ronronne, les cordages s’étirent en bruits caractéristiques. Ça berce, ça met en état de latence extrême, de léthargie bienfaisante, comme si l’on flottait au-dessus de tout comme on flotte sur l’eau bleue, incroyablement pure et transparente.
Toute l’après-midi nous nous approchons du Stromboli, sur son île (habitée !!!). Le soir venu, de nuit, nous observerons ses coulées de laves incandescentes, spectacle unique et hallucinant.
Nuit d’orage, éclairs de tous les côtés et tonnerre au loin. Quart 3h30 / 5h. Ensommeillé.
Dort de mieux en mieux. Plein de méduses dans la manta nocturne. Prélèvement pour rien.

Jour 8
Baignade en pleine mer, bateau à l’arrêt, immensité bleue, transparence, 2000m sous les pieds. Complétement délirant quand on y pense.
Tarot, belote. Moment de joyeuse euphorie au coucher du soleil. Coucher rose orange, mais le soleil se cache derrière les nuages au moment de disparaitre (le 1er soir raté me laisse des regrets pour les photos). Reflets roses sur l’eau et dans les nuages. Prise de photos. JC joue de la guitare. Frissons dans le cuir chevelu. Repas et les moments qui suivent passés sur le pont à regarder la côte approcher. Moment sympa. Mouillage pour la nuit à Acciaroli. Réveil à 7h30. Baignade directe. Brasse jusqu’à la plage, comme pour prendre possession d’une nouvelle terre, mettre le pied sur un monde qu’on s’arroge. Mission pain frais au village avec Julio & Nadège en ramant à bord de l’annexe. Petit et mignon village. Même les vendeuses de la boulangerie sont jolies. Moment top.

Jour 9
Navigation vers Capri / Sorrento. Manta avec Capri en vue. Photo reportage pour Danièle (et moi du coup). Coucher de soleil sur Capri !!! Nan mais sérieux quoi !!! La semaine de dingo. Paysages et photos subjuguent. J’oubliais : à droite le Vésuve. Et le ciel rempli d’étoiles. Quart de nuit prévu entre 5 & 8h pour voir le lever de soleil. 22h, fatigué. Dodo. Aurore magnifique, route vers Ponza. Arrêt 3h pour baignade, visite en groupe d’une grotte en canot. Petit phare blanc avec verrière encastré dans un promontoire rocheux. Falaises blanches, oiseaux.
Route vers Rome. Arrivée dans la nuit de samedi à dimanche, vers 1h. Au chantier de Julio. Technomar.net. Visite du chantier et des bateaux, dont un à vapeur, véritable musée, construit vers 1890.
Déjeuner à Ostia, avec le groupe, chez traiteur / épicier / resto super bien. Menu de charcut’, fromage, pizze, café, limoncello. Énorme et gargantuesque.
Puis trajet en métro vers le centre de Rome et la copine de Danièle, Perrine, Aveyronnaise travaillant au BIM, très rigolote, presque charmante. J’aime bien. Appart de ouf. Balade en voiture, puis à pied. Martini près de la via del Pace, piazza de Navona.

Jour 10. Roma
Rome antique avec Danièle. Colisée, forum, palatin. Superposition complétement dingue de vestiges historiques !!! Repas avec les autres Campo di Fiori, puis cheminement vers il Trastevere. Verre Piazza de San Egidio avec Danièle et Charly.
Musique sur Piazza santa Maria de Trastevere. Beau duo masculin. Joli moment. Verres puis pizza.

Jour 11
Déambulant depuis la gare jusqu’à la place Saint Pierre, en passant en légère périphérie du centre historique, je tombe par hasard sur la fontaine de Trevi (La Dolce Vita, Anita Ekberg, en travaux), la piazza Colonna, le Panthéon.
Place Saint Pierre + visite du musée du Vatican & chapelle Sixtine, au pas de charge. Sfanza di Raffaello !!! Très chouette, très riche. Fresques, marbres, tapisseries, cartes géographiques, statues, bustes…
Au revoir avec Danièle autour d’une pizza puis train pour Gênes à 16h (qui en fait allait jusqu’à Vintimille…). On longe la côte au sud de Livourne, et je crois bien avoir reconnu la petite crique où on avait trempé les pieds avec ML… La gare de Riomaggiore, un peu plus loin, donne sur la mer, façon belvédère !!!

Jour 12. Gênes
Arrivée mardi soir. Hôtel proche Gare Brignole. Plutôt rigolo, au 5ème étage d’un immeuble. Très correct, sauf insonorisation, mais 36 € petit dej compris ! Visite de Gênes en matinée suivant le petit guide pris à l’hôtel. Le bas de la ville est sombre, limite impression de saleté, petites ruelles, d’autant plus qu’on s’approche du port. Esprit « laborieux » en contrepoint de la Dolce Vita romaine. Belvédère Montaldo hallucinant 360° sur toute la ville. Via Garibaldi nettement plus classe, demeure des riches marchands à n’en point douter.

Fin de la retranscription des notes. 

Dernière nuit à Nice, atteinte après un voyage en covoiturage. Un autre covoiturage le lendemain depuis Fréjus (j'ai un gros doute sur la ville là...), dont j'ai rejoint la gare par un nouvel itinéraire ferroviaire côtier. Arrivée à Paris, Porte d'Orléans en début de soirée.

vendredi 10 avril 2015

Rousse


Ce soir je suis tombé amoureux d'une rousse. Sa jupette blanche, à motifs. Multicolores. Je crois qu'il y avait des pois. Forcément. Il y a toujours des pois. Son haut noir. Ses bras, si fins. De beaux cheveux, pas trop longs, pas trop courts. Elle était si près. J'ai pas osé. Elle ne m'a pas vu. Au début. Puis j'ai eu l'impression qu'elle me regardait aussi. J'ai cru croiser son regard. On me l'a assuré. Elle bougeait bien. Elle semblait jeune. Elle n'avait pas l'air très drôle. Pas grave. Elle était belle. Ça a duré. 3 heures, ou presque. Quand elle est partie, j'ai pas osé. J'ai couru après sans jamais la rattraper. Sans vouloir la rattraper plus probablement. Elle était là, pas loin, au bas des marches. J'ai stoppé ma course. Je l'ai regardée partir de loin, depuis le perron. 

Moi j'ai de la peine, son ombre se promène. Comme c'est injuste la trentaine. Dis leur que moi j'ai mal dormi.