Incipit

A l'approche de mes 30 ans, je cèderais volontiers à la tentation de l'examen intime de mon moi, en quête d'une auto-thérapie salutaire. Mais l'exercice serait un peu vain et mégalo. Pour qu'il puisse s'adresser à vous tous aussi, je souhaite transférer les enjeux de mon questionnement personnel à notre contexte actuel global.
Entre le rêve et l'échec, ou quand, en politique comme en amour, la déception semble être l'inévitable issue...
Rassurez-vous, pas de pessimisme absolu en guise de ligne éditoriale, mais plutôt des variations autour des thèmes suivants : dépit / renouveau / trentenaire / conscience politique / résignation / colère / écologie / révolte / rock / partage / émotion / sourire / échec / (re)construction…

mardi 13 décembre 2011

Des somnambules vers la catastrophe

L'Utopie Destituée partage aujourd'hui un long entretien du philosophe et sociologue Edgar Morin par Terra eco, le bimédia francophone du développement durable, mêlant questions économiques, sociétales et environnementales, bref les mêmes qui traversent ce blog ! Une synthèse très intéressante des enjeux actuels, notamment la domination du sentiment d'urgence et la dérive funeste du capitalisme.
Le lien direct de l'entretien vers le site à suivre ici.

"Pourquoi la vitesse est-elle à ce point ancrée dans le fonctionnement de notre société ?
La vitesse fait partie du grand mythe du progrès, qui anime la civilisation occidentale depuis le XVIIIe et le XIXe siècle. L’idée sous-jacente, c’est que nous allons grâce à lui vers un avenir toujours meilleur. Plus vite nous allons vers cet avenir meilleur, et mieux c’est, naturellement. C’est dans cette optique que se sont multipliées les communications, aussi bien économiques que sociales, et toutes sortes de techniques qui ont permis de créer des transports rapides. Je pense notamment à la machine à vapeur, qui n’a pas été inventée pour des motivations de vitesse mais pour servir l’industrie des chemins de fer, lesquels sont eux-mêmes devenus de plus en plus rapides. Tout cela est corrélatif par le fait de la multiplication des activités et rend les gens de plus en plus pressés. Nous sommes dans une époque où la chronologie s’est imposée.

Source : express.be
Cela est-il donc si nouveau ?
Dans les temps anciens, vous vous donniez rendez-vous quand le soleil se trouvait au zénith. Au Brésil, dans des villes comme Belém, encore aujourd’hui, on se retrouve « après la pluie ». Dans ces schémas, vos relations s’établissent selon un rythme temporel scandé par le soleil. Mais la montre-bracelet, par exemple, a fait qu’un temps abstrait s’est substitué au temps naturel. Et le système de compétition et de concurrence – qui est celui de notre économie marchande et capitaliste – fait que pour la concurrence, la meilleure performance est celle qui permet la plus grande rapidité. La compétition s’est donc transformée en compétitivité, ce qui est une perversion de la concurrence.

 
Cette quête de vitesse n’est-elle pas une illusion ?
En quelque sorte si. On ne se rend pas compte – alors même que nous pensons faire les choses rapidement – que nous sommes intoxiqués par le moyen de transport lui-même qui se prétend rapide. L’utilisation de moyens de transport toujours plus performants, au lieu d’accélérer notre temps de déplacement, finit – notamment à cause des embouteillages – par nous faire perdre du temps ! Comme le disait déjà Ivan Illich (philosophe autrichien né en 1926 et mort en 2002, ndlr) : « La voiture nous ralentit beaucoup. » Même les gens, immobilisés dans leur automobile, écoutent la radio et ont le sentiment d’utiliser malgré tout le temps de façon utile. Idem pour la compétition de l’information. On se rue désormais sur la radio ou la télé pour ne pas attendre la parution des journaux. Toutes ces multiples vitesses s’inscrivent dans une grande accélération du temps, celui de la mondialisation. Et tout cela nous conduit sans doute vers des catastrophes.

 
Le progrès et le rythme auquel nous le construisons nous détruit-il nécessairement ?
Le développement techno-économique accélère tous les processus de production de biens et de richesses, qui eux-mêmes accélèrent la dégradation de la biosphère et la pollution généralisée. Les armes nucléaires se multiplient et on demande aux techniciens de faire toujours plus vite. Tout cela, effectivement, ne va pas dans le sens d’un épanouissement individuel et collectif !

 
Pourquoi cherchons-nous systématiquement une utilité au temps qui passe ?
Prenez l’exemple du déjeuner. Le temps signifie convivialité et qualité. Aujourd’hui, l’idée de vitesse fait que dès qu’on a fini son assiette, on appelle un garçon qui se dépêche pour débarrasser et la remplacer. Si vous vous emmerdez avec votre voisin, vous aurez tendance à vouloir abréger ce temps. C’est le sens du mouvement slow food dont est née l’idée de « slow life », de « slow time » et même de « slow science ». Un mot là-dessus. Je vois que la tendance des jeunes chercheurs, dès qu’ils ont un domaine, même très spécialisé, de travail, consiste pour eux à se dépêcher pour obtenir des résultats et publier un « grand » article dans une « grande » revue scientifique internationale, pour que personne d’autre ne publie avant eux. Cet esprit se développe au détriment de la réflexion et de la pensée. Notre temps rapide est donc un temps antiréflexif. Et ce n’est pas un hasard si fleurissent dans notre pays un certain nombre d’institutions spécialisées qui prônent le temps de méditation. Le yoguisme, par exemple, est une façon d’interrompre le temps rapide et d’obtenir un temps tranquille de méditation. On échappe de la sorte à la chronométrie. Les vacances, elles aussi, permettent de reconquérir son temps naturel et ce temps de la paresse. L’ouvrage de Paul Lafargue Le droit à la paresse (qui date de 1880, ndlr) reste plus actuel que jamais car ne rien faire signifie temps mort, perte de temps, temps non-rentable.

 
Pourquoi ?
Nous sommes prisonniers de l’idée de rentabilité, de productivité et de compétitivité. Ces idées se sont exaspérées avec la concurrence mondialisée, dans les entreprises, puis répandues ailleurs. Idem dans le monde scolaire et universitaire ! La relation entre le maître et l’élève nécessite un rapport beaucoup plus personnel que les seules notions de rendement et de résultats. En outre, le calcul accélère tout cela. Nous vivons un temps où il est privilégié pour tout. Aussi bien pour tout connaître que pour tout maîtriser. Les sondages qui anticipent d’un an les élections participent du même phénomène. On en arrive à les confondre avec l’annonce du résultat. On tente ainsi de supprimer l’effet de surprise toujours possible.

 
A qui la faute ? Au capitalisme ? A la science ?
Nous sommes pris dans un processus hallucinant dans lequel le capitalisme, les échanges, la science sont entraînés dans ce rythme. On ne peut rendre coupable un seul homme. Faut-il accuser le seul Newton d’avoir inventé la machine à vapeur ? Non. Le capitalisme est essentiellement responsable, effectivement. Par son fondement qui consiste à rechercher le profit. Par son moteur qui consiste à tenter, par la concurrence, de devancer son adversaire. Par la soif incessante de « nouveau » qu’il promeut grâce à la publicité… Quelle est cette société qui produit des objets de plus en plus vite obsolètes ? Cette société de consommation qui organise la fabrication de frigos ou de machines à laver non pas à la durée de vie infinie, mais qui se détraquent au bout de huit ans ? Le mythe du nouveau, vous le voyez bien – et ce, même pour des lessives – vise à toujours inciter à la consommation. Le capitalisme, par sa loi naturelle – la concurrence –, pousse ainsi à l’accélération permanente, et par sa pression consommationniste, à toujours se procurer de nouveaux produits qui contribuent eux aussi à ce processus.

On le voit à travers de multiples mouvements dans le monde, ce capitalisme est questionné. Notamment dans sa dimension financière…

Nous sommes entrés dans une crise profonde sans savoir ce qui va en sortir. Des forces de résistance se manifestent effectivement. L’économie sociale et solidaire en est une. Elle incarne une façon de lutter contre cette pression. Si on observe une poussée vers l’agriculture biologique avec des petites et moyennes exploitations et un retour à l’agriculture fermière, c’est parce qu’une grande partie de l’opinion commence à comprendre que les poulets et les porcs industrialisés sont frelatés et dénaturent les sols et la nappe phréatique. Une quête vers les produits artisanaux, les Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr), indique que nous souhaitons échapper aux grandes surfaces qui, elles-mêmes, exercent une pression du prix minimum sur le producteur et tentent de répercuter un prix maximum sur le consommateur. Le commerce équitable tente, lui aussi, de court-circuiter les intermédiaires prédateurs. Certes, le capitalisme triomphe dans certaines parties du monde, mais une autre frange voit naître des réactions qui ne viennent pas seulement des nouvelles formes de production (coopératives, exploitations bio), mais de l’union consciente des consommateurs. C’est à mes yeux une force inemployée et faible car encore dispersée. Si cette force prend conscience des produits de qualité et des produits nuisibles, superficiels, une force de pression incroyable se mettra en place et permettra d’influer sur la production.

 
Les politiques et leurs partis ne semblent pas prendre conscience de ces forces émergentes. Ils ne manquent pourtant pas d’intelligence d’analyse…
Mais vous partez de l’hypothèse que ces hommes et femmes politiques ont déjà fait cette analyse. Or, vous avez des esprits limités par certaines obsessions, certaines structures.

 
Par obsession, vous entendez croissance ?
Oui ! Ils ne savent même pas que la croissance – à supposer qu’elle revienne un jour dans les pays que l’on dit développés – ne dépassera pas 2 % ! Ce n’est donc pas cette croissance-là qui parviendra à résoudre la question de l’emploi ! La croissance que l’on souhaite rapide et forte est une croissance dans la compétition. Elle amène les entreprises à mettre des machines à la place des hommes et donc à liquider les gens et à les aliéner encore davantage. Il me semble donc terrifiant de voir que des socialistes puissent défendre et promettre plus de croissance. Ils n’ont pas encore fait l’effort de réfléchir et d’aller vers de nouvelles pensées.

 
Décélération signifierait décroissance ?
Ce qui est important, c’est de savoir ce qui doit croître et ce qui doit décroître. Il est évident que les villes non polluantes, les énergies renouvelables et les grands travaux collectifs salutaires doivent croître. La pensée binaire, c’est une erreur. C’est la même chose pour mondialiser et démondialiser : il faut poursuivre la mondialisation dans ce qu’elle créé de solidarités entre les peuples et envers la planète, mais il faut la condamner quand elle crée ou apporte non pas des zones de prospérité mais de la corruption ou de l’inégalité. Je milite pour une vision complexe des choses.

 
La vitesse en soi n’est donc pas à blâmer ?
Voilà. Si je prends mon vélo pour aller à la pharmacie et que je tente d’y parvenir avant que celle-ci ne ferme, je vais pédaler le plus vite possible. La vitesse est quelque chose que nous devons et pouvons utiliser quand le besoin se fait sentir. Le vrai problème, c’est de réussir le ralentissement général de nos activités. Reprendre du temps, naturel, biologique, au temps artificiel, chronologique et réussir à résister. Vous avez raison de dire que ce qui est vitesse et accélération est un processus de civilisation extrêmement complexe, dans lequel techniques, capitalisme, science, économie ont leur part. Toutes ces forces conjuguées nous poussent à accélérer sans que nous n’ayons aucun contrôle sur elles. Car notre grande tragédie, c’est que l’humanité est emportée dans une course accélérée, sans aucun pilote à bord. Il n’y a ni contrôle, ni régulation. L’économie elle-même n’est pas régulée. Le Fonds monétaire international n’est pas en ce sens un véritable système de régulation.

 
Le politique n’est-il pas tout de même censé « prendre le temps de la réflexion » ?
On a souvent le sentiment que par sa précipitation à agir, à s’exprimer, il en vient à œuvrer sans nos enfants, voire contre eux… Vous savez, les politiques sont embarqués dans cette course à la vitesse. J’ai lu une thèse récemment sur les cabinets ministériels. Parfois, sur les bureaux des conseillers, on trouvait des notes et des dossiers qualifiés de « U » pour « urgent ». Puis sont apparus les « TU » pour « très urgent » puis les « TTU ». Les cabinets ministériels sont désormais envahis, dépassés. Le drame de cette vitesse, c’est qu’elle annule et tue dans l’œuf la pensée politique. La classe politique n’a fait aucun investissement intellectuel pour anticiper, affronter l’avenir. C’est ce que j’ai tenté de faire dans mes livres comme Introduction à une politique de l’homme, La voie, Terre-patrie… L’avenir est incertain, il faut essayer de naviguer, trouver une voie, une perspective. Il y a toujours eu, dans l’Histoire, des ambitions personnelles. Mais elles étaient liées à des idées. De Gaulle avait sans doute une ambition, mais il avait une grande idée. Churchill avait de l’ambition au service d’une grande idée, qui consistait à vouloir sauver l’Angleterre du désastre. Désormais, il n’y a plus de grandes idées, mais de très grandes ambitions avec des petits bonshommes ou des petites bonnes femmes.
 

Michel Rocard déplorait il y a peu pour « Terra eco » la disparition de la vision à long terme…
Il a raison, mais il a tort. Un vrai politique ne se positionne pas dans l’immédiat mais dans l’essentiel. A force d’oublier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. Ce que Michel Rocard appelle le « long terme », je l’intitule « problème de fond », « question vitale ». Penser qu’il faut une politique planétaire pour la sauvegarde de la biosphère – avec un pouvoir de décision qui répartisse les responsabilités car on ne peut donner les mêmes responsabilités à des pays riches et à des pays pauvres –, c’est une politique essentielle à long terme. Mais ce long terme doit être suffisamment rapide car la menace elle-même se rapproche.

 
Le président de la République Nicolas Sarkozy n’incarne-t-il pas l’immédiateté et la présence médiatique permanente ?
Il symbolise une agitation dans l’immédiateté. Il passe à des immédiatetés successives. Après l’immédiateté, qui consiste à accueillir le despote libyen Kadhafi car il a du pétrole, succède l’autre immédiateté, où il faut détruire Kadhafi sans pour autant oublier le pétrole… En ce sens, Sarkozy n’est pas différent des autres responsables politiques, mais son caractère versatile et capricieux en font quelqu’un de très singulier pour ne pas dire un peu bizarre.

 
Edgar Morin, vous avez 90 ans. L’état de perpétuelle urgence de nos sociétés vous rend-il pessimiste ?
Cette absence de vision m’oblige à rester sur la brèche. Il y a une continuité dans la discontinuité. Je suis passé de l’époque de la Résistance où j’étais jeune, où il y avait un ennemi, un occupant et un danger mortel, à d’autres formes de résistances qui ne portaient pas, elles, de danger de mort, mais celui de rester incompris, calomnié ou bafoué. Après avoir été communiste de guerre et après avoir combattu l’Allemagne nazie avec de grands espoirs, j’ai vu que ces espoirs étaient trompeurs et j’ai rompu avec ce totalitarisme-là, devenu ennemi de l’humanité. J’ai combattu cela et résisté. J’ai ensuite – naturellement – défendu l’indépendance du Vietnam ou de l’Algérie, quand il s’agissait de liquider un passé colonial. Cela me semblait si logique après avoir lutté pour la propre indépendance de la France, mise en péril par le nazisme. Au bout du compte, nous sommes toujours pris dans des nécessités de résister.

 
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je me rends compte que nous sommes sous la menace de deux barbaries associées. Humaine tout d’abord, qui vient du fond de l’histoire et qui n’a jamais été liquidée : le camp américain de Guantánamo ou l’expulsion d’enfants et de parents que l’on sépare, ça se passe aujourd’hui ! Cette barbarie-là est fondée sur le mépris humain. Et puis la seconde, froide et glacée, fondée sur le calcul et le profit. Ces deux barbaries sont alliées et nous sommes contraints de résister sur ces deux fronts. Alors, je continue avec les mêmes aspirations et révoltes que celles de mon adolescence, avec cette conscience d’avoir perdu des illusions qui pouvaient m’animer quand, en 1931, j’avais dix ans.

 
La combinaison de ces deux barbaries nous mettrait en danger mortel…
Oui, car ces guerres peuvent à tout instant se développer dans le fanatisme. Le pouvoir de destruction des armes nucléaires est immense et celui de la dégradation de la biosphère pour toute l’humanité est vertigineux. Nous allons, par cette combinaison, vers des cataclysmes. Toutefois, le probable, le pire, n’est jamais certain à mes yeux, car il suffit parfois de quelques événements pour que l’évidence se retourne.

Des femmes et des hommes peuvent-ils aussi avoir ce pouvoir ?
Malheureusement, dans notre époque, le système empêche les esprits de percer. Quand l’Angleterre était menacée à mort, un homme marginal a été porté au pouvoir, qui se nommait Churchill. Quand la France était menacée, ce fut De Gaulle. Pendant la Révolution, de très nombreuses personnes, qui n’avaient aucune formation militaire, sont parvenues à devenir des généraux formidables, comme Hoche ou Bonaparte ; des avocaillons comme Robespierre, de grands tribuns. Des grandes époques de crise épouvantable suscitent des hommes capables de porter la résistance. Nous ne sommes pas encore assez conscients du péril. Nous n’avons pas encore compris que nous allons vers la catastrophe et nous avançons à toute allure comme des somnambules.

 
Le philosophe Jean-Pierre Dupuy estime que de la catastrophe naît la solution. Partagez-vous son analyse ?
Il n’est pas assez dialectique. Il nous dit que la catastrophe est inévitable mais qu’elle constitue la seule façon de savoir qu’on pourrait l’éviter. Moi je dis : la catastrophe est probable, mais il y a l’improbabilité. J’entends par « probable », que pour nous observateurs, dans le temps où nous sommes et dans les lieux où nous sommes, avec les meilleures informations disponibles, nous voyons que le cours des choses nous emmène à toute vitesse vers les catastrophes. Or, nous savons que c’est toujours l’improbable qui a surgi et qui a « fait » la transformation. Bouddha était improbable, Jésus était improbable, Mahomet, la science moderne avec Descartes, Pierre Gassendi, Francis Bacon ou Galilée était improbables, le socialisme avec Marx ou Proudhon était improbable, le capitalisme était improbable au Moyen-Age… Regardez Athènes. Cinq siècles avant notre ère, vous avez une petite cité grecque qui fait face à un empire gigantesque, la Perse. Et à deux reprises – bien que détruite la seconde fois – Athènes parvient à chasser ces Perses grâce au coup de génie du stratège Thémistocle, à Salamine. Grâce à cette improbabilité incroyable est née la démocratie, qui a pu féconder toute l’histoire future, puis la philosophie. Alors, si vous voulez, je peux aller aux mêmes conclusions que Jean-Pierre Dupuy, mais ma façon d’y aller est tout à fait différente. Car aujourd’hui existent des forces de résistance qui sont dispersées, qui sont nichées dans la société civile et qui ne se connaissent pas les unes les autres. Mais je crois au jour où ces forces se rassembleront, en faisceaux. Tout commence par une déviance, qui se transforme en tendance, qui devient une force historique. Nous n’en sommes pas encore là, certes, mais c’est possible.

 
Il est donc possible de rassembler ces forces, d’engager la grande métamorphose, de l’individu puis de la société ?
Ce que j’appelle la métamorphose, c’est le terme d’un processus dans lequel de multiples réformes, dans tous les domaines, commencent en même temps.

 
Nous sommes déjà dans un processus de réformes…
Non, non. Pas ces pseudo-réformes. Je parle de réformes profondes de vie, de civilisation, de société, d’économie. Ces réformes-là devront se mettre en marche simultanément et être intersolidaires.

 
Vous appelez cette démarche « le bien-vivre ». L’expression semble faible au regard de l’ambition que vous lui conférez.
L’idéal de la société occidentale – « bien-être » – s’est dégradé en des choses purement matérielles, de confort et de propriété d’objet. Et bien que ce mot « bien-être » soit très beau, il fallait trouver autre chose. Et quand le président de l’Equateur Rafael Correa a trouvé cette formule de « bien-vivre », reprise ensuite par Evo Morales (le président bolivien, ndlr), elle signifiait un épanouissement humain, non seulement au sein de la société mais aussi de la nature. L’expression « bien vivir » est sans doute plus forte en espagnol qu’en français. Le terme est « actif » dans la langue de Cervantès et passif dans celle de Molière. Mais cette idée est ce qui se rapporte le mieux à la qualité de la vie, à ce que j’appelle la poésie de la vie, l’amour, l’affection, la communion et la joie et donc au qualitatif, que l’on doit opposer au primat du quantitatif et de l’accumulation. Le bien-vivre, la qualité et la poésie de la vie, y compris dans son rythme, sont des choses qui doivent – ensemble – nous guider. C’est pour l’humanité une si belle finalité. Cela implique aussi et simultanément de juguler des choses comme la spéculation internationale… Si l’on ne parvient pas à se sauver de ces pieuvres qui nous menacent et dont la force s’accentue, s’accélère, il n’y aura pas de bien-vivre."

mardi 6 décembre 2011

E-graine

Parce qu'il est primordial d'éveiller la conscience des enfants au plus tôt vis-à-vis des enjeux environnementaux, afin d'en faire des éco-citoyens responsables, il faut des initiatives comme celle que je relaye ici : l'association e-graine.

Le projet d’e-graine est de faire “naître et grandir l'initiative solidaire et responsable” par la mise en place d’une éducation au développement durable pour tous.
A l’origine :
Tout commence en 2006, d’un double constat :
- Le milieu associatif était trop cloisonné
- Beaucoup d’initiatives isolées, peu connues du grand public

Notre mission :
Venant d’horizons divers – monde de la solidarité, système éducatif, secteur informatique, commerce… – nous avons pour vocation première d’éduquer au développement durable en donnant à tous l’envie et les moyens d’adopter une attitude sociale, responsable, solidaire et civique par la diffusion d’un message positif, ouvert et constructif.

Une autre définition du développement durable :
Nous concevons le développement durable comme un modèle socio-économique  qui agit pour la préservation des ressources naturelles tout en permettant à chaque homme de répondre à ses besoins vitaux. La finalité de ce modèle étant de permettre un épanouissement humain durable à l’échelle internationale.

Qu’entend-on par « éduquer au développement durable » ?
Pour nous, éduquer au développement durable, c’est avant tout éduquer à la pensée complexe et non pas multiplier les éco-gestes sans susciter de réflexion. Il s’agit d’une éducation aux choix et non pas un enseignement des choix. Le choix doit être fondé sur la connaissance, la raison, l’esprit critique, le débat et l’engagement individuel et collectif. L’éducation se fait tout au long de la vie. Nous nous adressons donc aussi bien aux enfants qu’aux adultes et mettons un point d’honneur à  rendre les « apprenants » acteurs de leur apprentissage.

Outil pour « penser globalement et agir localement », l’association structure ses actions pédagogiques en 3 temps :
1. Sensibiliser différents publics aux enjeux majeurs de notre société.
2. Inciter à réfléchir sur certains gestes de la vie quotidienne, en vue de favoriser des changements d’attitudes et de comportements.
3. Donner l’envie et les moyens d’agir concrètement sur son cadre de vie en relayant des initiatives existantes.

Trois axes d'action :
Pour pouvoir s’adresser au plus grand nombre e-graine a développé trois projets: des interventions directes auprès du grand public, une série pédagogique sur le développement durable et un portail multimédia.
  • La réalisation d’actions de terrain lors desquelles nous mettons en place des activités mêlant une pédagogie active et une approche ludique des thèmes. Ces actions peuvent être ponctuelles ( mardis d’e-grainestands animés) ou plus pérennes à travers nos ateliers éducatifs.
  • La réalisation et la diffusion des mallettes pédagogiques multimédias pour les éducateurs et les instituteurs. La série “le développement durable et moi” propose des outils complets qui ont pour  objectif d’accompagner les acteurs éducatifs dans la mise en place de projets avec les jeunes. 
  • La mise en ligne d’un portail multimédias, kiagi.org, réalisé en partenariat avec les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Sur celui-ci vous trouverez les dessins animés de la famille kiagi, des initiatives  présentées en vidéos et une multitude d’outils multimédias pour vous  donner des moyens concrets de vous engager dans une démarche solidaire et responsable. Ce projet permet aussi aux acteurs de l'ESS d’obtenir gratuitement des outils de communication modernes et performants.

lundi 21 novembre 2011

Les stratèges de la peur

Lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres. Cette jolie phrase que j'ai entendue la semaine dernière (et qui s'avère être une citation d'Alexis de Tocqueville, grand penseur de la Démocratie) tombe fort à propos vis-à-vis de la séquence que nous vivons ces jours-ci.
Sarkozy et sa fine équipe vont à n'en pas douter nous rejouer le tour de 2002 et 2007 : profiter d'un fait divers atroce et poignant pour alimenter la peur au sein de la société, et se poser en rempart ultime face aux affres d'un monde anxiogène.
Certes le drame en question, le viol et l'assassinat horrible d'une enfant de 13 ans par un adolescent récidiviste, est tragique. Il remue les tripes de chacun d'entre nous.
Mais il est inacceptable que ce soit l'occasion pour un gouvernement aux abois de jouer sur l'émotion suscitée en vue d'en tirer un profit électoral.
Selon l'adage sarkozyste 1 fait-divers = 1 loi, l'exécutif va nous resservir (nous ressert déjà) une solution ronflante et des promesses inconsidérées.
Mais à l'aune des actions du quinquennat finissant, nous ne serons pas dupes des prochaines mascarades législatives. Gardons la mémoire.

Car depuis 2007, c'est bien d'une réforme de la justice menant à un manque croissant de moyens humains, et donc à des procédures judiciaires pas ou mal suivies, dont nous avons été témoins. C'est aussi la poursuite d'une politique du tout carcéral conduisant à une augmentation continue de la population pénitentiaire, dont le record a été atteint tout récemment (article du Monde du 15 novembre dernier), et à une diminution des effectifs de surveillants. Ce qui ne manque pas d'entraîner l'aggravation de conditions de détention, et par là-même des conditions de suivi, de traitement adapté et de ré-insertion éventuelles des prisonniers.

Ne laissons pas l'émotion nous aveugler. J'entends de ci de là dans la population des réactions non mesurées, et notamment la relance du débat idiot sur l'utilité de la peine de mort (se référer aux différentes articles & études sur le net évoquant son effet non dissuasif constaté dans les pays qui l'appliquent). Il est compréhensible que l'individu personnellement touché, en rage, imagine se faire justice lui-même. Mais la société, en tant qu'ensemble d'individus, se doit d'être plus forte que ces tentations. Elle doit répondre de manière équilibrée, adaptée mais néanmoins efficaces à ces crimes, pour éviter leurs récidives.

Ne laissons pas l'émotion nous aveugler non plus sur les réalisations réelles survenues au cours du mandat Sarkozy. Ils n'ont rien amélioré sur ce point malgré leurs discours, ils ne le feront pas non plus lors d'un second mandat, d'autant que les coupes budgétaires à venir, inévitables au vu de notre déficit colossal et du déclin économique en cours, ne laisseront que peu de marge.

L'édito du jour de Dominique Garraud, du journal la Charente Libre, rejoint également ce point de vue, ainsi que les propos de Maxime Hamon (écouter vers 4min35), évidemment de manière plus partisanne...

"Questions légitimes et surenchères


Le drame de Chambon-sur-Lignon interpelle les individus et l'opinion à un double titre: d'abord l'horreur de voir une adolescente violée et massacrée par un autre jeune de son internat. Ensuite la stupéfaction d'apprendre que le meurtrier présumé était sous le coup d'une mise en examen pour un viol commis en 2010, en liberté provisoire, et admis en internat au collège-lycée Cévenol sans que l'administration de l'établissement soit informée des antécédents judiciaires de ce jeune de 17 ans.
On ne peut a priori que partager la «sidération» du directeur de cet internat ouvert et mixte face aux questions posées par le parcours à l'issue fatale de cet élève dont il ignorait tout du passé criminel. Chercher l'erreur en préjugeant que la trouver est le moyen le plus sûr d'éviter ce type de récidive aggravée, est plus que légitime. C'est indispensable, tout en sachant que «l'erreur est humaine», comme l'a relevé avec beaucoup de dignité la mère de la jeune Agnès.
Le président du tribunal des enfants de Bobigny Jean-Pierre Rozenscveig est sans nul doute sincère lorsqu'il affirme qu'un «juge ne prend jamais de risque» dans le rendu d'une décision. Sauf que le domaine de l'évaluation de la dangerosité est très loin de relever de sciences exactes. La justice pensait s'être entourée de toutes les précautions avec un suivi serré du jeune violeur: obligation de soins, examens réguliers et expertises de psychiatres et éducateurs avaient tous conclu à l'absence de dangerosité de l'adolescent.
Ce qui n'explique en rien l'incroyable lacune qui a conduit à laisser dans l'ignorance totale les responsables de l'établissement où le présumé meurtrier passait ses jours et ses nuits. Des enseignements doivent évidemment être tirés sur la communication indispensable entre les services de probation en charge des mineurs et les autres administrations amenées à les avoir sous leur autorité.
Mais ces efforts n'engendreront pas, comme par un coup de baguette magique, le risque «zéro» de récidive. Pas plus que le rétablissement de la peine de mort «pour les meurtriers d'enfants» réclamée par Marine Le Pen avec un sens de l'à-propos et de la surenchère sur le malheur des autres digne des outrances de son père. Ni l'empilement de lois contre la récidive. Aucun fait divers isolé, aussi horrible et choquant soit-il, ne vaut d'en tirer des leçons politiques générales et surtout pas dans le registre de la polémique.
En ce sens, l'assassinat de la jeune Agnès est tragique, insoutenable, mais en aucune sorte exemplaire d'un laxisme forcément coupable, voire délibéré."

jeudi 17 novembre 2011

Deportivo, libérateur officiel de tensions

Ces derniers temps, je suis un peu monomaniaque de Deportivo, dont les albums passent en boucle dans ma voiture et sur mon ordinateur. Sûrement que la rage latente contenue en moi trouve une forme de reconnaissance dans ces morceaux nerveux et ramassés.
Deportivo c'est l'un des groupes de rock français les plus talentueux : inclassable, rare, agité.... Auteurs de 2 premiers albums tout de fureur et d'urgence, ils ont sorti un 3ème album plus apaisé début 2011, mais qui conserve néanmoins la fougue légendaire du power trio yvelinois et cette poésie singulière et désarmante, à peine saisissable mais à laquelle je suis pourtant si sensible.

Sur leur deuxième album au titre éponyme (Deportivo, 2007), le groupe reprend une chanson de Miossec, "Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement". Les paroles du rockeur breton, qui évoquent la fin d'une relation de couple, sont assez glaçantes de justesse. Je l'ai écoutée bien souvent, mais sans remarquer jusqu'ici le réalisme cru du texte et sans y déceler ce qui fait pourtant la patte de Miossec, ce talent bouleversant pour exprimer la décrépitude des sentiments.

"Notre histoire ne date pas d'hier
Car si on l'écoute on l'entend
S'époumoner cracher des glaires
On se demande comment elle a fait un pas devant
Ça ça restera toujours pour moi un mystère
Comment le corps s'habitue quand l'amour meurt doucement
Sans même avoir eu un jour le flair
Que la chair s'éteint lentement
Je pense que c'est le soir où t'as éteint la lumière
En te retournant sur le flanc
Le lendemain on s'est réveillé derrière contre derrière
Le lendemain on s'est réveillé avec nos dos comme paravents
Te rappelles-tu le bruit de nos cuillères
Qui est mort ? on se serait cru à un enterrement
Mais c'est nous deux qui descendions sous terre
Quand tu m'as dit que la nuit j'avais grincé des dents
Tu m'as ensuite demandé pourquoi j'étais sur les nerfs
Pourquoi j'étais si nerveux depuis quelques temps
Tu m'as dit que je devrais même ouvrir une bière
Tu me l'avais pas dit depuis si longtemps
Que je ne savais même plus comment il fallait faire
Les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement"




dimanche 13 novembre 2011

Intouchables ?

Allez on se sentait plutôt bien ces derniers temps, on est allé voir Intouchables et on a ri... On avait envie de rire. On avait besoin de rire. Intouchables, le dernier film du duo Toledano / Nakache, c'est le genre de comédie-médicament qui touche le cœur des français. Et comme la France est l'un des pays du monde qui consomme le plus de médocs, bah un film thérapeutique, ça engrange. Industrie cinématographique, industrie pharmaceutique, même combat ? Faut avouer c'est bien ficelé, plein de bons sentiments, mais sans que ce soit trop dégoulinant de pathos en tube. C'est drôle, les acteurs sont bons et ils nous divertissent. Pis c'est mignon tout plein cette histoire d'amitié entre le jeune de banlieue (pas aussi méchant que peuvent l'être les vrais méchants quand même) et le riche tétraplégique (pas aussi détestable que peuvent l'être les plus riches quand même).
On se laisse bercer par cette bonne humeur ambiante, la bande-son entraînante et la faculté de ces archers-réalisateurs à faire tour à tour vibrer les cordes de l'émotion et du rire.
C'est la beauté du cinéma que de savoir parfois nous mettre en apesanteur, dans une bulle de légèreté, éloigné temporairement des lourdeurs du quotidien. Alors je ne vais pas faire mon rabat-joie : non, ne boudons pas notre plaisir et allons voir ce film !

 
Seulement il ne s'agirait pas que son effet soit similaire à celui des anti-dépresseurs : traiter le symptôme et occulter la racine du mal. 

 
Car on rit moins quand on lit dans la presse que certains de nos politiques (plus très actifs soit...) continuent à bénéficier de priviléges liés à l'occupation de logements à loyer modéré, et pire, refusent d'y renoncer :
Jean-Pierre Chevènement loue un appartement de 120 m² dans le Ve arrondissement, propriété de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). Un logement classé dans la catégorie « ILN » (« immeuble à loyer normal »), le haut de gamme du parc social, destiné aux classes moyennes. Son loyer : 1 519 euros par mois. Dans le parc privé, cet appartement se louerait 3 500 euros par mois.
Fadela Amara refuse également de quitter son appartement, plus modeste : 50 m² dans le XIIIe arrondissement pour un loyer de 525 euros (source Rue89).
Le but n'est pas de leur jeter la pierre (Jean-Pierre ?), car ce ne sont pas les seuls (néanmoins les 2 derniers récalcitrants semble-t-il) : souvenons-nous du cas Boutin en 2007. Mais c'est d'autant plus choquant qu'il s'agit de personnalités politiques, qui devraient montrer l'exemple. Comment contraindre après cela les milliers d'individus lambda qui occupent également des HLM à des loyers qui ne correspondent plus en rien à leurs situations financières et/ou familiales (suite à des augmentations de leurs revenus au fil des ans, au départ des enfants, etc...)  et qui empêchent ainsi des familles dans le besoin d'accéder au parc de logements sociaux, à les quitter.

 
On a moins ri aussi quand il s'est agi de résoudre le problème de math de la semaine : la suite de Nicolas Sarkozy était-elle à 35 000 € (comme avancé par le tabloid The Sun) ou à 3500 € la nuit (comme rectifié par Franck Louvrier, le conseiller du Président) ? Le séjour dans le luxueux hôtel cannois Majestic a duré 2 nuits, et se justifiait par la tenue du G20 sur la Riviera (de diamants ?). Voilà les données de l'équation. Vous avez trouvé quoi vous comme résultat ?
 

Tout cela fait désordre au beau milieu des annonces de plans de rigueurs drastiques, à l'heure de sauver l'Europe et le monde de la "plus grave crise économique de l'histoire".
Décidément, ils sont intouchables, eux aussi.

lundi 17 octobre 2011

Marées noires, l'éternel recommencement...

Alors que notre XV de France s'apprête à affronter les vagues All Blacks dans la cadre de la coupe de monde de rugby, d'autres vagues toutes noires déferlent sur les rivages néo-zélandais.
Encore une fois l'activité humaine a des effets destructeurs sur notre éco-système. Un porte-conteneurs, le Rena, s'est échoué le 5 octobre dernier sur les récifs d'une des plus jolies baies  de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande.


 
Les opérations de pompage et la mobilisation de la population locale pour nettoyer les galettes d'hydrocarbures toxiques sur les plages n'auront pas suffi à éviter un nouveau drame écologique. Les fuites de fioul du Rena ont provoqué la mort d’environ 1000 oiseaux marins. Des manchots et cormorans ont été envoyés en traitement dans des centres de soins. Touristique car lieu d'habitat d'une faune sous-marine riche (baleines, dauphins, requins-taupes) , la région de Tauranga est désormais souillée.


 
Si ce navire à l'agonie ne se brise pas, en raison des profondes fissures qui le parcourent , il faudra des jours pour vider ses cuves, qui contiennent encore à ce jour plus de 1 300 tonnes de carburant, au rythme de 20 tonnes par heure selon le service maritime de Nouvelle-Zélande.

 
Selon le New Zealand Herald, le Rena, qui transportait près de 2 000 conteneurs (dont 22 renfermant des produits dangereux comme du ferrosilicium), plus ses 1700 tonnes de carburant (faites le calcul : quelques 330 tonnes ont déjà fui, polluant l'environnement marin et côtier), aurait eu affaire aux autorités maritimes australiennes en juillet, pour réparer des « déficiences », ainsi qu’aux néo-zélandaises pour des problèmes de sécurité. En milieu de semaine dernière, l'enquête s'orientait sur le taux d'alcoolémie du capitaine du Rena pour expliquer l'accident (qui aurait un peu trop arrosé son anniversaire...).
 

Qu’un « navire-poubelle » ait pu circuler dans une zone abritant une biodiversité inestimable ne fait assurément qu’ajouter à notre courroux…

jeudi 13 octobre 2011

Greenpride

Après le festival We love green en septembre, voilà une nouvelle occasion de faire la fête en vert (et contre tout ?). Autour de 3 axes, le goût, le carnaval et la musique, le collectif Appel de la Jeunesse met la santé environnementale au cœur du débat public.

Au programme donc ce dimanche 23 octobre :
  • 11h30-14h : brunch organisé au Parc de la Villette en partenariat avec des producteurs bio d’Ile-de-France. La Villette Enchantée, Préau de la Grande Halle.

  • 14-16h : défilé carnavalesque et éco-conçu dans les rues de Paris. Départ de la Grande Halle de la Villette et arrivée du cortège Place de la Bataille de Stalingrad. C'est gratuit et on nous promet un final haut en couleurs ! A voir !

  • 17-21h : série de concerts au Trianon. Archimède, Moziimo, Mani, Ornette et Rococo. J'ai vu ces derniers l'hiver dernier à l'International : ne vous fiez pas à la douceur de leur single Honeymoon in jail. Sur scène c'est du gros rock bien énervé !
 

Toutes les infos sur la programmation, les artistes présents, la liste des parrains et partenaires sont sur le site de l'événement : www.greenpride.me.

samedi 8 octobre 2011

Les primaires socialistes


Si vous êtes comme moi et que vous ne suivez l'actualité que parcimonieusement ces derniers temps, vous pourriez oublier d'aller voter demain aux primaires du PS !
A défaut d'un nouveau modèle politique et d'une révolution démocratique (soyons patients !), et même si vous ne croyez plus guère en la chose politique, ce scrutin nous offre la possibilité de choisir, entre les 6 candidats en lice, le ou la meilleure socialiste, celui ou celle capable de nous débarrasser du système Sarkozy. 


Pour trouver votre bureau de vote, suivez le guide !
Sur présentation de votre carte d'identité, et en échange d'un euro, vous pourrez glisser votre bulletin dans l'urne.

Candidats à la primaire :
Martine Aubry
Jean-Michel Baylet
François Hollande
Arnaud Montebourg
Ségolène Royal
Manuel Valls
Note : ce sujet n'a pas vocation à faire du prosélytisme pro-PS, juste à rappeler aux lecteurs ayant une sensibilité de gauche leur devoir électoral :-)

mercredi 5 octobre 2011

Petit bréviaire écolo

Tout fraîchement paru (6 octobre 2011) aux Éditions Les Petits Matins, le "Petit Bréviaire Écolo" est un guide rigolo et malin pour déjouer les pièges tendus par les ennemis de la cause ! Pour vous donner envie de lire cet essai de 160 pages au prix vraiment abordable (6 Euros !), ci-après la présentation de l'éditeur :  

L’écolo de service peut rarement passer une soirée tranquille. Dès qu’il est repéré, une série de commentaires plus ou moins acerbes surgissent. Le grand classique : « L’écologie, ça ne devrait pas être de la politique. » Et difficile d’échapper à « l’écologie luxe de riches » ou aux procès en « utopisme »…

Les auteurs ont listé ces objections, et y répondent avec un brin d’humour et quelques arguments solides. Non, les écolos ne veulent pas mettre la filière automobile au chômage, ils veulent une conversion écologique de l’économie. Non, ils ne veulent pas s’éclairer à la bougie – qui pollue d’ailleurs beaucoup – mais développer la recherche sur les énergies renouvelables. Et non, on ne construira pas une société écologique sans volonté politique car, oui, l’écologie, c’est politique !

Le résultat : ce petit bréviaire à l’usage des convaincus comme des mécréants, pour affiner ses convictions ou faire vaciller ses certitudes. Ainsi soit-il !
 


Les auteurs :
Wilfrid Séjeau est l’auteur de deux essais parus aux éditions Les Petits Matins : "C’est pollué près de chez vous" (avec Pascal Canfin, 2008) et "Ecoblanchiment. Quand les 4x4 sauvent la planète" (avec Jean-François Notebaert, 2010). Libraire indépendant à Nevers, il est conseiller régional Europe Ecologie-Les Verts de Bourgogne depuis 2004, où il préside la commission culture. 
Erwan Lecoeur est sociologue et politologue. Il a participé en tant que consultant à l’aventure Europe Ecologie (2009). Il a notamment publié "Des écologistes en politique" (Lignes de repère, mars 2011) et dirigé "Le Dictionnaire de l’extrême droite" (Larousse, 2007).

lundi 3 octobre 2011

Accélération sur un transat

Tranquillement installé au soleil samedi après-midi, je lisais le n°51 de Philosophie Magazine (juillet/août, je sais j'ai du retard...). L'entretien avec le sociologue allemand Hartmut Rosa, en particulier la dernière réponse, fait écho à un passage d'un précédent article de ce blog sur la décroissance. Voilà comment m'est venue l'idée de cette rubrique littéraire, un peu inhabituelle ici.


"Dans la première phase de la modernité, il y avait une île dans l'océan, et vous deviez nager pour la rejoindre. Pour les Européens d'aujourd'hui, il n'y a plus d'île : il faut nager ou se noyer."

Né en 1965, Hartmut Rosa est un sociologue et philosophe, professeur à l’université Friedrich Schiller de Iéna en Allemagne. Il fait partie d’une nouvelle génération d’intellectuels travaillant dans le sillage de la Théorie critique. 
Il est l'auteur d'un livre sérieux et documenté : Accélération, Une critique sociale du temps. Parue en français en avril 2010 aux éditions La Découverte, cette étude magistrale, traduite dans le monde entier, examine la dissolution de la démocratie, des valeurs, de la réflexion, de notre identité, emportées par la vague de l'accélération. En voici la présentation officielle :

"L’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération. Nous le savons et l’éprouvons chaque jour : dans la société moderne, « tout devient toujours plus rapide ». Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses des sciences sociales sur la modernité au profit des processus de rationalisation ou d’individualisation. C’est pourtant le temps et son accélération qui, aux yeux de Hartmut Rosa, permet de comprendre la dynamique de la modernité.
Pour ce faire, il livre dans cet ouvrage une théorie de l’accélération sociale, susceptible de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l’accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l’accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps. La modernité tardive, à partir des années 1970, connaît une formidable poussée d’accélération dans ces trois dimensions. Au point qu’elle en vient à menacer le projet même de la modernité : dissolution des attentes et des identités, sentiment d’impuissance, « détemporalisation » de l’histoire et de la vie, etc. L’auteur montre que la désynchronisation des évolutions socioéconomiques et la dissolution de l’action politique font peser une grave menace sur la possibilité même du progrès social.
Marx et Engels affirmaient ainsi que le capitalisme contient intrinsèquement une tendance à « dissiper tout ce qui est stable et stagne ». Dans ce livre magistral, Hartmut Rosa prend toute la mesure de cette analyse pour construire une véritable « critique sociale du temps » susceptible de penser ensemble les transformations du temps, les changements sociaux et le devenir de l’individu et de son rapport au monde."


Pour aller plus loin : 
  • Entretien de Hartmut Rosa, dans le Monde Magazine du 29/08/2010
  • Critique de Pascal Michon, parue sur le site Internet Rhuthmos (plateforme internationale et transdisciplinaire de recherche sur les rythmes dans les sciences, les philosophies et les arts) en février 2011
Bonnes lectures ! 

lundi 26 septembre 2011

Le sénat bascule à gauche, et moi dans l'optimisme (sans rapport a priori)

Aujourd'hui fût une belle journée. Le soleil a brillé, au lendemain de l'obtention par la gauche de la majorité absolue au sénat, une institution ré-organisée par la droite pour la droite, par pasqua et ses amis en 1986 (le découpage des circonscriptions avait été tripatouillé pour favoriser la droite, en fonction de la démographie électorale des territoires, lui permettant de conserver de fortes majorités quasi systématiquement). Sans prendre de position partisane, le début d'une alternance dans ce bastion est une bonne nouvelle du point de vue démocratique.


Voyons y l'augure de la déroute prochaine du système Sarkozy, un système où les comportements d'un autre temps sont encore légion. Pour preuve la panique actuelle dans les cercles proches du Président, relative aux mises en examen dans le dossier Karachi, de Nicolas Bazire, ex-directeur de cabinet et de campagne d’Édouard Balladur, et de Thierry Gaubert, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère du Budget en 1994, protagonistes d'une affaire de financement présumé occulte de la campagne présidentielle en 1995 d’Édouard Balladur

Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent connaître, mais où des pressions et des arrangements avec la loi pas si éloignés de ceux que l'on constate aujourd'hui (Hortefeux aurait eu accès au procès-verbal de la déposition de l'ex-femme de Gaubert, et informé celui-ci de son contenu pendant sa mise en examen) s'exercaient.
J'ai entendu parler récemment de l'affaire Robert Boulin, ministre retrouvé mort en 1979. Thèse officielle : suicide. Mais de nombreuses zones d'ombre se sont fait jour (oh c'te figure de style !). Éclairage sur l'affaire Boulin : le site de l'association Robert Boulin - Pour la vérité, tenu par la fille de l'ancien ministre.


Tout ça pour dire que les ténèbres nous enveloppent, mais qu'il faut garder l'espoir de jours ensoleillés, comme aujourd'hui, lundi 26 septembre 2011 :-)
Et que vous pouvez aussi écouter Deportivo, ça pourra pas vous faire de mal !



Le post du jour est un peu concis, un peu décousu, mais en creusant un peu tous ces sujets, vous verrez qu'il y a un tas d'infos intéressantes à dénicher, et qu'elles vous donneront envie de réagir. Et c'est ça l'essentiel.

lundi 19 septembre 2011

Decroissance ?

Partant du constat qu'on ne peut concevoir "une croissance infinie dans un monde fini", de nombreux théoriciens de l'écologie politique avancent l'idée de la décroissance. C'est l'opinion selon laquelle il faut se désengager du principe de croissance économique comme unique voie du salut de l'Être Humain. Et opter, à titre individuel et collectif (quelle gageure me direz-vous !), pour des comportements plus sobres et plus simples en tant que consommateurs, pour des politiques anti-consuméristes et anti-productivistes à l'échelle mondiale.

Car en effet, pour croître toujours plus, il faut consommer toujours plus. Or nos ressources sont limitées : il resteraient au rythme de consommation actuel, 41 années de réserve de pétrole, 70 années de gaz, 55 années d'uranium (sources respectives : Statistical review of world energy, Gaz de France, Commission des communautés européennes). Même si ces chiffres peuvent être sujet à débat, et les estimations évoluer en fonction de telle ou telle découvertes de gisement, il est évident que que nous approchons de l'épuisement de ces différentes sources d'énergie. On peut retarder l'échéance en tablant sur d'autres ressources fossiles (gaz de schiste), au prix de nouvelles dégradations de l'environnement. Les sources alternatives sont à l'heure actuelle inefficientes ou inopérantes. Les agrocarburants sont gourmands en sols agraires : ils accélèrent la déforestation et privent les populations de surfaces cultivables. L'éolien, le solaire, etc... fournissent une énergie difficile à stocker et intermittente. D'où l'importance d'aiguiller dès maintenant les investissements vers le développement technologique de ces solutions. Mais il est probable que cela ne suffise pas. Ayons en tête qu'une minorité de la population planétaire (nous, les riches) consomme la majorité des ressources naturelles (grosso modo 20% / 80%) disponibles. Considérons qu'il est bien naturel et compréhensible que les habitants des pays en voie de développement souhaitent voir leur niveau de vie s'aligner sur celui des "occidentaux". Vous admettrez que l'équation est intenable.

Alors ? La solution est-elle de diminuer drastiquement consommation et production ? Réduire nos besoins ? Autrement dit, entrer en décroissance. Le mot fait écho chez les sceptiques aux notions de retour à l'âge de pierre et de refus du progrès. Il est clair que le seul exemple de décroissance existant, la Russie, est peu engageant. Passé du statut d'une économie de superpuissance à celui d'une économie de survivance, le pays s'est certes désindustrialisé et a réduit ses émissions de gaz à effet de serre, mais à quel prix : crise sociologique (violence, alcoolémie, xénophobie) et crise démographique (selon l'agence des statistiques russes, Rosstat, le pays ne comptera plus que 127 millions d'habitants d'ici à 2031, contre quasiment 150 millions dans les années 90). 

Pour ses promoteurs, le décroissance devra être douce, concertée, soutenable, durable. Autant dire inatteignable eu égard à notre égoïsme individuel : pris dans le tourbillon consumériste, nous nous comportons comme dans un monde virtuel, sans nous soucier de l'impact de nos attitudes quotidiennes sur les ressources énergétiques et le dérèglement du climat. Saurons-nous accepter de vivre avec moins et différemment ? "Décoloniser notre imagination de la consommation" échevelée ?
Eu égard également aux enjeux financiers globaux, démocratiques, sociaux. Il faudrait ériger en cause internationale le partage entre pays riches et pays pauvres, la vision de l'humanité comme une et indivisible.

Je ne saurais dire si la décroissance est une utopie irréaliste ou l'évidence à suivre. Il faut en tout cas s'en inspirer pour remettre la nature au cœur de notre raisonnement, ignorée qu'elle est par le modèle capitaliste. Il faut en tout cas se poser des questions sur notre mode de vie perverti par le mythe de l'abondance. Il faut en tout cas que nous, individus, combattions pour responsabiliser la Politique et la contraindre à prendre les mesures qu'impose la survie des espaces naturels, de la biodiversité, de l'espèce humaine.

Inspiré par des documents issus de la Revue Agriculture environnement, du site internet decroissance.org et du professeur Yves-Marie Abraham.

Rouge Rose - Daniel Darc


Hé, hé, hé

Serait-ce le vent
Serait-ce la pluie
Serait-ce simplement l’ennui

Toi tu m’attends
Moi je m’enfuis
Tu pleureras toute la nuit

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois

Combien de roses à peine écloses
M’as-tu offert souviens-toi
Elles sont fanées
Comme ces années vécues entre toi et moi

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois

Est-ce au levant ?
Est-ce dans la nuit que je dirai « je t’en prie »

Je t’aimais tant
Ouais
Mais pourtant
Je crois que c’est bien fini

Mon amour la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois
Il se fout de toi et moi

Tournons et tournons encore et ne dis pas un mot
Tournons et tournons encore avant qu’il ne soit trop tard ou trop tôt

Combien de roses à peine écloses
M’as-tu offert souviens-toi
Bien tournons sans un mot
Bien tournons, il fait noir

Mon amour, la nuit ne dure pas
Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois
Il se fout de toi et moi
Rouge sang, rose ta peau
C’est fini



Daniel Darc, Rouge Rose, issu de l'album Crévecoeur (2004)
En concert le 3 décembre 2011, à La Batterie, Guyancourt (78)

Chronique des Inrocks du 30/06/2003 à l'occasion de la sortie de la compilation : "Le meilleur de Daniel Darc" :
"Depuis vingt ans, tous ceux qui fréquentent ou croisent Daniel Darc (ou son spectre, les mauvais jours) ont souvent envisagé le pire concernant l'ex-kamikaze de Taxi Girl. On n'est donc pas mécontent d'en quérir Le Meilleur à travers cette compilation regroupant une vingtaine de fulgurances éparpillées en bande ou en solitaire, dans la lumière ou la marge, par cet archéologue du désespoir urbain qui aura toujours montré plus d'attirance pour les ruines que pour les carrières. Darc en solo, livré à lui-même ou soutenu par des bonnes volontés de passage (Daho, Jacno, Burgalat), c'est l'éternelle bataille du papillon et du néon, une sorte d'Icare brûlé à vif parce que trop pur, sans doute, sous ses dehors de junkie incontrôlable, de garçon sauvage un brin caricatural.

Il reste donc ces 45-tours éparpillés comme des bouteilles dans le caniveau, quelques albums inaboutis, un beau disque à quatre mains avec Bill Pritchard, des apparitions fantomatiques sur des compilations (Les Champs-Elysées, reprise hallucinante de Joe Dassin) et une petite moisson de tubes ratés de peu (La Ville, Nijinsky). Le seul fil conducteur, c'est cette voix, blanche comme une arme, comme la poudre, légèrement étranglée, cette voix d'Iggy cherchant des crosses à Gainsbourg, qui finit par trouver sa vérité, son apaisement dans la soie des cordes, en crooner irradié sur deux extraits d'un album de 1994 à réhabiliter d'urgence : Il y a des moments et surtout Le Feu follet, qui clôt ce recueil sur une lame de fond déchirante. Le Feu follet Drieu La Rochelle à la plume, Maurice Ronet au cinéma : une des obsessions récurrentes de Darc depuis des années. La tentation du suicide, heureusement pas la tentative. On a encore besoin de lui."


Et pour plus d'info : une autre chronique des Inrocks sur le dernier album du chanteur-poète, "Amours suprêmes".